La police re-dérape à Saint-Etienne

Le 25-01-2013
Par Charly Célinain

Un contrôle qui dérape, une jeune victime, des plaintes impossibles, de mauvais policiers pas inquiétés... Le genre de scénario malheureusement banal. La récurrence rend l'anormal presque normal. L'impression d'assister à un éternel recommencement...

 
« Pourquoi tu cours ? - je ne sais pas. Et toi pourquoi tu cours ? », Jamel Debbouze décrivait parfaitement ce phénomène auquel a été confronté tout jeune habitant des quartiers. Ce réflexe de survie qui pousse à prendre ses jambes à son cou comme tout le monde pour, certainement, éviter de se faire prendre par les flics. L'humoriste de Trappes arrivait à nous faire rire de la situation, mais dans la réalité, elle peut s'avérer dramatique.
 
il se fait rattraper et tabasser par la BAC

Scénario implacable 

19 septembre 2012, Mehdi, 17 ans, stéphanois, rentre tranquillement chez lui quand il est pris dans un mouvement de foule. Instinctivement, il se met à courir. Malheureusement pour lui, il se fait rattraper et tabasser par la BAC (Brigade anti-criminalité). Bilan : quelques bosses et une grosse entorse au genou. Mehdi ne sait pas encore que ce n'est que le début d'un calvaire « ordinaire » dont le scénario se répète de manière implacable.
 
le policer de garde refuse d'enregistrer la plainte

Scène 1 : Porter plainte

C'est avec un genou en vrac et accompagné de sa famille que le jeune stéphanois tente d'aller porter plainte au commissariat. Ca sera « non » : le policer de garde refuse d'enregistrer la plainte. La rumeur des difficultés que rencontre Mehdi à obtenir réparation se diffuse dans le quartier. Très vite un comité de soutien se forme pour venir en aide au jeune homme. Devant les multiples refus du commissaire adjoint de les recevoir, le comité n'a d'autre solution que de faire un communiqué de presse. 
 
régler cette histoire de façon pacifique

Scène 2 : Du statut de victime à celui d'accusé

Entre temps, le policier visé par la tentative de plainte, porte plainte lui-même contre le jeune stéphanois pour... outrage à agent. Encore un classique : dans la police notamment, la meilleure défense, c’est l’attaque. « A peine un mois après le communiqué de presse, le commissaire adjoint nous reçoit et nous explique qu'il aimerait bien régler cette histoire de façon pacifique », se remémore Hamza Ould Mohammed, coordinateur du comité de soutien. 
 
 
Laissez-nous, je vais lui péter le deuxième genou

Scène  3 : Intimidation

Suite à ces événements, par une curieuse « coïncidence », il n'était pas rare de voir les policiers rôder au pied de l'immeuble de Mehdi. Les doutes sont devenus des certitudes quand le jeune homme s'est rendu à un rendez-vous au tribunal : « En allant là-bas, il est tombé sur un des flics qui l'ont tabassé. En reconnaissant Mehdi, il a dit à ses collègues « Laissez-nous, je vais lui péter le deuxième genou » ».
 

Scène 4 : Soutiens

Heureusement, Mehdi a reçu quelques soutiens, dont celui de Lela Bencharif, vice-présidente (EELV) du Conseil régional. Le très actif collectif Stop le Contrôle au Faciès a également contacté le comité de soutien à Mehdi, pour les mettre en contact avec un avocat. La famille de Mehdi, ayant déjà un avocat, a gentiment décliné la proposition.
 
Depuis toute cette histoire, les jeunes se font un peu moins provoquer par les policiers.  Il a fallu qu'on fasse appel à la presse pour avoir rendez-vous avec le commissaire adjoint.

Epilogue ?

Convoqué au tribunal le 27 novembre 2012, Mehdi n'avait pu se rendre à l'audience. En raison du décès de sa grand-mère, il avait dû se rendre en Algérie. L'audience devrait avoir lieu au mois de mars. En attendant Hamza relève un point positif de toute cette histoire : « Depuis toute cette histoire, les jeunes se font un peu moins provoquer par les policiers. Mais ce qui est dommage, c'est ce manque de dialogue entre la police et les associatifs. Il a fallu qu'on fasse appel à la presse pour avoir rendez-vous avec le commissaire adjoint. C'est dommage. »
 
 
 
 

 

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