
Insertion : contourner la fatalité

Dans les quartiers populaires, le taux de chômage des jeunes est de 38 %, contre 22 % ailleurs. A diplômé égal, les candidatures de ces jeunes sont rejetées près de 4 fois sur 5. Témoignages de deux jeunes diplômés qui ont poussé la porte de Mozaïk RH, cabinet de recrutement associatif travaillant à insérer des diplômés dits « de la diversité », pour décrocher un emploi.
Yasmine Askri n’a que 26 ans. Cette jeune femme, originaire de la région lilloise, a pourtant déjà connu une double période de chômage. Yanis Mamouri, lui, est ingénieur commercial chez SFR. Ce jeune homme de 25 ans, qui vit à Château-Thierry (Aisne). Deux CDI, mais finalement deux parcours très différents.
3 Licences et 1 Magistère, et employée dans une boulangerie
Avant son CDI, Yasmine Askri aura, à deux reprises, côtoyé les files d’attente de Pôle Emploi. Sa première période de chômage remonte à la sortie de l’université. Des études qui lui permettent de décrocher trois Licences (Histoire, Géographie et Sciences Economiques), puis un Magistère en Ressources Humaines. Juste après, Yasmine travaille dans une boulangerie pendant un an. Avant de venir tenter sa chance à Paris. Elle enchaîne alors plusieurs contrats chez GDF Suez avant de se faire remercier… et surtout remplacer par un stagiaire. S’ensuit alors sa deuxième période sans emploi. Yanis Mamouri, lui, fait partie de ces rares chanceux à ne pas avoir connu de période de chômage. Il a fait cinq années d’études après le bac. Et est parvenu à faire une transition sans anicroche entre études et premier job. Il a obtenu un BTS en Management des Unités commerciales. Puis a enchaîné avec une Licence en Gestion commerciale. Il est encore étudiant lorsqu’il croise la route de Mozaïk RH. Le cabinet de recrutement l’aide à trouver une entreprise pour son alternance.
Un CV exposé en quelques minutes sur Canal +
Le coup de pouce de Mozaïk RH pour Yasmine Askri aura peut-être mis plus de temps à venir mais il aura été plus fulgurant. Cette dernière a eu l’opportunité d’annoncer qu’elle cherchait un emploi... à plusieurs millions de Français en même temps, quelques minutes. Ca s’appelle la magie de la télévision. Elle a été invitée sur un plateau de Canal + pour parler de Mozaïk RH et de son parcours. Là, elle rencontre la PDG de MTB, une PME spécialisée en ingénierie des logiciels. « J’ai sauté sur l’occasion. Une semaine après, je signais mon contrat ! », raconte celle qui occupe aujourd’hui un poste à cheval entre les ressources humaines et la gestion d’entreprise. Depuis son court passage à la télévision, les offres pleuvent. Encore aujourd’hui. Yasmine Askri utilise tous les contacts qu’elle peut se faire pour les redistribuer ensuite à des connaissances ou des amis. Pas revancharde pour un sou, Yasmine se retourne sur ses 300 CV envoyés qui n’ont, pour beaucoup, pas suscité de réponse. Les difficultés qu’elle a rencontrées sont surtout dues au manque de réseau, selon elle. « Pôle emploi ne sert à rien quand on cherche du travail », tranche-t-elle. Elle considère ne pas avoir été victime de discrimination, mais a bien conscience de l’existence du fléau. Aujourd’hui, elle pratique, lorsqu’elle embauche, la discrimination positive « même si cela ne m’empêche pas de recruter Jean-Baptiste ».
Une forme d’auto-censure
Pour Yanis Mamouri, c’est le flair de Mozaïk RH qui a provoqué le déclic. En 2010, la boîte de Saïd Hammouche a eu la bonne idée d’envoyer le jeune homme participer à une séance speed dating organisée par SFR (une collaboration entre SFR et Mozaïk RH qui dure d’ailleurs depuis 4 ans). De l’aveu de l’entreprise de téléphonie mobile, cela permet d’ouvrir ses portes aux jeunes des quartiers populaires, qui n’auraient pas spontanément candidaté auprès d’un groupe comme SFR. « Ils ont visé juste en m’envoyant là-bas. Sans Mozaïk RH, je n’aurai jamais trouvé ce job. Peut-être une forme d’auto-censure », confie Yanis Mamouri, qui reste toujours sur ses gardes. Avec un Master 1 puis 2 en poche : « Après la Licence, j’ai tout de même continué. Il fallait que j’aille jusqu’au bout... par sérénité. On ne sait jamais ».