Identité et nation, un mariage gris ?

Le 03-03-2010
Par xadmin

Le magazine Afriscope affichait la couleur en ce gris mercredi du 17 février à l’espace Mains d’œuvres, 93400 Saint-Ouen : oui on n’est pas trop UMP, ni trop bessoniste, et oui, on allait prendre à bras le corps, goulûment, le fameux débat qui fâche, notamment sur notre gauche.

Ahmed El Key, le truculent animateur-agitateur du débat (un des meilleurs du PAF) le proclame fièrement, il ne faut pas laisser ce débat à la droite, voire à l’extrême-droite. Il harcèle les invités qui n’osent pas y aller trop franchement, houspille les timorés et n’hésite pas à bousculer ceux avec lesquels il n’est pas d’accord. Une sorte de combat des gladiateurs se déroule ce soir-là dans l’obscure salle répondant au nom, légèrement décalé dans ce contexte, de Star Trek, du fait de la déco surannée… mais au vu du quasi-désert en matière de spectateur, il semble qu’on soit effectivement perdu au fin fond de l’hyper-espace. Pourtant, autour de la table, il y a du lourd, et du coup la joute est vive : Daniel Maximin (romancier, poète et essayiste), Mamadou M’Baye (consultant, contributeur de l’ouvrage collectif « Qu’est-ce qu’être français ? », de l’Institut Montaigne), Rokhaya Diallo (Les Indivisibles). Tous trois revendiquant haut et fort les valeurs essentielles de la République, parfois même comme Max Gallo oserait à peine le faire…
La République est en effet immédiatement projetée au centre des débats par un élu de Saint-Ouen, qui pose la question, la seule vraie selon lui au sujet de l’identité nationale : Liberté, Egalité et Fraternité progressent-ils ou régressent-ils ? Pour lui répondre, Mamadou M’Baye juge que les combats de la République doivent d’abord être sociaux et économiques, et qu’à cette aune, oui, le triptyque républicain est bien en pleine régression : « Est-on dans un monde fraternel ou dans un monde égalitaire ? » demande-t-il faussement ingénu, en évoquant les délocalisations économiques comme un des signes des reculs systématiques mettant à mal le premier des principes nationaux.
Daniel Maximin de répliquer alors que la République n’est pas un acquis, mais un projet. Et de prévenir que l’intégration a toujours été un combat, jamais un fait acquis pour qui que ce soit. Il ose même : « On ne naît pas français, on le devient », alors que le droit du sang suppose le contraire, théoriquement… Tout en finissant par rappeler une évidence : « Si de jeunes français se révoltent, c’est parce qu’on les empêche d’être français, pas parce qu’ils sont polygames ou islamisés ! » Et de terminer en lançant : « Débattre de ces questions [identitaires, NDLR] fait parti de notre identité ! Le délit d’outrage à l’hymne national est un appel à la transgression ! Pourtant, la Révolution, c’est transgressif ! L’hymne national est transgressif ! ».
Et après avoir religieusement écouté le très long et très émouvant slam d’un spectateur camerounais en mal d’une République espérée mais bien lointaine, Ahmed El Key de conclure : « Les francophones sont parfois plus francophiles que les français, parce qu’ils rêvent la République plus qu’ils ne la vivent ». Ite missa est.

Erwan Ruty / Ressources Urbaines
 

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