
HLM sur cour(t) : filmer la vie dans le logement social

Pour sa deuxième édition, le festival de courts métrages de l’Union sociale de l’habitat, mené avec des principes atypiques (entre communication et création) et dans des conditions qui ne le sont pas moins (avec réalisateurs pros ou amateurs, temps de réalisation réduit…), remettait sa salve de petits films intimistes le 17 juin. On était dans le jury, alors on vous raconte.
Un jury bigarré, majoritairement indépendant et composé de professionnels du logement social, de la communication et des médias (Edouard Zambeaux de radio-France), du cinéma (Lola Frederich, réalisatrice ; Philippe Germain, de l’Agence du court-métrage) et de l’éducation populaire (François Campana de Passeurs d’images) voire d’indépendants purs (Jacques Donzelot, sociologue). Un florilège de 19 scenarii allant de l’exercice de style déroutant à l’œuvre aboutie, en passant par la communication plan-plan. 3 mois de tournage pour les 3 histoires qui ont eu les faveurs du jury…
Humour décalé
…Et à l’arrivée, quelques beaux moments de cinéma-vérité pour cette édition 2014. Dont le premier prix est remis à Jennifer Lumbroso pour « La fille de Baltimore », un petit film bien troussé qui joue la carte de l’humour décalé sur un sujet délicat dans l’univers du logement social : les filles et les caves… On ne peut évidement pas en dire plus, mais rien de glauque, bien au contraire. Une réussite qui a mérité son succès, notamment grâce à des acteurs principaux très touchants et une réalisation impeccable.
Tordre le cou aux clichés
Mais dès la projection du premier court (« On met les voiles », de Anne Agüero), filmé sur l’Île aux Moines (Morbihan), on sort de l’univers des grands ensembles. Une chance que ces regards portés sur le HLM soient justes, car justement, aucune des réalisatrices des trois films n’a vécu en HLM. Mais cette soirée aura aussi justement permis de tordre le cou à quelques clichés, grâce aux intervenants présents, à l'instar du délégué général de la Fondation Abbé Pierre, Patrick Doutreligne, qui signale en passant que la majorité des nouveaux programmes sont édifiés avec des ensembles de moins de 20 logements. Et que seuls de quart des logements sociaux se trouvent dans des quartiers de grands ensembles. Des films et des témoignages d’une réalité qui sont donc loin des préjugés façon « Putain qu’il est blême, mon HLM », du chanteur Renaud.
La vraie VIE des vrais gens en HLM
Car l’objectif du festival est bien de changer le regard porté sur les HLM. D’où le témoignage de Marie-Kenza Bouhhadou, architecte et professeure à l’ENSA Paris-Val, relatant l’importance du rôle des habitants eux-mêmes dans la mobilisation d’une capacité à modifier le regard, en citant telle expérience lorientaise dans laquelle des habitants de HLM avaient ouvert un appartement transformé en musée éphémère, y attirant toute la ville. Ou encore Patrick Doutreligne de citer l’origine boulonnaise du joueur Franck Ribéry, ancien locataire d’une des cités de cette ville de la Somme… située face à la mer.
Relations de proximité
« On est persuadé que les gens dans les immeubles ne se connaissent pas, c’est une erreur ! » jure Diane Valsonne, réalisatrice du troisème film, « La maladie d’Homer » (petit film léger et bon esprit sur le vivre ensemble, entre générations et origines différentes). A ce titre, Francis Deplace (directeur de l’association Delphis) assure que « 75% des services rendus aux gens qui en ont besoin (faire les courses, chercher les médicaments…) sont rendus par des voisins ou la famille. Le reste étant rempli par le système des aides à la personne. » Et c’est bien ainsi, insiste-t-il ! Jugeant qu’il ne faut surtout pas que l’Etat se mêle de ces relations sociales de proximité. « Il faut que ces services soient rendus sur une base non marchande. Avec les chèques emploi-service, ça ne marche pas, notamment parce que les gens n’en ont pas les moyens ! 90% des personnes âgées vieillissent à domicile de manière autonome, ils n’ont pas d’autre choix… »
Reste un enjeu pour les prochaines années de ce festival : permettre justement à des réalisateurs issus de ce milieu du logement social, extrêmement nombreux, notamment dans la production culturelle des banlieues, d’offrir leur vision de cet environnement. Et donc un défi pour l’Union sociale de l’habitat : ne pas avoir peur d’ouvrir leur festival à ces réalisateurs, c’est-à-dire d’affronter le propre regard de ceux qui sont à la fois les premières victimes, mais aussi au centre de ces clichés.