HLM sur cour(t) : des courts métrages pour une longue histoire

Le 07-02-2013
Par Erwan Ruty

Un appel à concours pas ordinaire a été lancé par l’Union sociale pour l’habitat : non pas un concours d’architecte pour un projet de rénovation urbaine, mais un concours de courts… métrages, pour filmer la vie et les habitants qui peuplent ce patrimoine riche de pas moins de onze millions d’âmes. Thierry Bert, délégué général de l’USH, nous explique les principes de ce projet.

 
« On ne veut pas s’en tenir à un rôle institutionnel ». Thierry Bert, qui porte le concours HLM sur cour(t), en tant que délégué général du premier bailleur de logements de France, donne le ton. Vous vous attendez à voir surgir d’un tel concours un film bien propret, une pub aussi grise que les HLM dans l’imagerie traditionnelle française ? Plusieurs des projets sélectionnés risquent de vous défriser ; si tant est que les scenarii donnent ce qu’on peut attendre d’eux. D’ailleurs, l’un des scénaristes, Gabriel Arin Pillot, le résume bien : « Les HLM ne sont plus cette image grise des années 60 (…) Les murs de la cité ne sont que l’enveloppe, à nous de la remplir de vie et de diversité ». 
 
beaucoup d’humain, peu de bâtiments.

Mettre en valeur la créativité

Dans cette poignée de scénarii qui misent avant tout sur des personnages, on a : des enfants qui jouent à chat et importunent une vieille dame qui les voit comme de futurs empêcheurs de dormir en ronflant dans une de ces cité de briques de la périphérie parisienne ; un carrousel voyant défiler les hauts et bas de toute une existence ; le récit poignant d’une vieille kabyle rebelle qui raconte sa vie ; les rapports doucereux entre un vieil homme esseulé et un petit garçon en maque de paternité ; une farce potache sur les préjugés communément accolés aux HLM… et quelques autres encore. Au final, beaucoup d’humain, peu de bâtiments. Une option privilégiée par les scénaristes pour incarner des lieux volontiers stigmatisés… souvent en raison de l’idée même que l’on se fait de ceux qui les peuplent. D’où l’enjeu de ce concours : « En faisant parler les gens qui y vivent, on veut mettre en valeur leur créativité. En direction notamment de ceux qui ne les connaissent pas », espère Thierry Bert, certain que ceux qui habitent les HLM en sont les meilleurs militants.
 
On veut aussi travailler sur l’image du monde HLM, bloquée sur cette idée des tours, alors que maintenant, on fait rarement plus de vingt logements par bloc.

Communiquer, former, participer

L’enjeu premier : sortir le « monde HLM » du silence. « On veut aussi travailler sur l’image du monde HLM, bloquée sur cette idée des tours, alors que maintenant, on fait rarement plus de vingt logements par bloc. Il faut réhabiliter cette image, ne pas la laisser à nos détracteurs, afin qu’on ne les assimile plus à aux faits divers ! » Une réflexion lancée il y a trois ans, qui comprend une véritable campagne de communication avec étude et baromètre Sofres, et discussion au plus haut niveau gouvernemental sur de nouvelles procédures d’attribution des logements (une concertation sur cette question a ainsi été annoncée le 16 janvier par Cécile Duflot, ministre du Logement et de l’égalité des territoires, « afin de gagner en efficacité, en transparence et en efficacité », selon ses propres mots). Cette petite révolution dépasse donc la simple communication filmée : « On a lancé depuis deux ans une formation des habitants à la participation à la vie de leur quartier, gratuite, avec des collectivités locales », explicite Thierry Bert. 
 
Il faut mettre un peu de culture dans tout ça ! Il y a un lien entre le « soft », l’humain, et le « hard », le bâti.

Quand les HLM faisaient hurler de rire

Revenant aux scénarii, le délégué général de l’USH précise : « Il faut mettre un peu de culture dans tout ça ! Il y a un lien entre le « soft », l’humain, et le « hard », le bâti. Si on ne fait pas tout ça pour aider le « soft », si on n’arrive pas à fédérer des énergies, on a plus de mal à avancer sur le « hard ». Les courts-métrages vont être un outil de débat. On avait déjà fait un film sur les gardiens d’immeuble ; les spectateurs hurlaient de rire ! Les gens s’intéressent à l’humain, c’est normal, on ne peut pas toujours faire un personnage d’un lieu, comme dans le Fantôme de l’Opéra ou Belphégor… Mais je pense que dans ce type de films, il faudrait mettre ce qui fait la culture des gens en avant, y compris le hip-hop. Après, il faut reconnaître que les tags heurtent les habitants, souvent ! » 
 

Injonctions complexes

On le voit bien, les injonctions sont complexes, voire contradictoires : montrer les gens ? Des lieux ? Montrer toute la réalité ? En éviter certains aspects ? Ne pas faire de communication publicitaire,  sans se tirer une balle dans le pied pour autant… Le président du jury, Abdelatif Kéchiche lui-même, devra donc faire preuve de doigté, tout comme son jury hétéroclite, composé de vidéastes, de sociologues (notamment Jacques Donzelot) et d’acteurs du milieu HLM ou des quartiers ! Un attelage dont Thierry Bert semble se réjouir, lui qui, tout inspecteur général des finances qu’il a été pendant huit ans, a aussi aidé à porter sur les fonts baptismaux Générations FM, l’une des radios les plus novatrices (voire même un temps underground) en matière de hip-hop !
 
Rendu des copies : au mois d’avril, avec à la clé, plusieurs prix allant de 5000 à 10 000 euros (pour le premier prix). Soit deux mois pour tourner des courts-métrages… beaucoup moins qu’il n’en faut pour bâtir un HLM !
 
 
 
 

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