France et outre-mer : une étrange dictature !

Le 18-07-2011
Par xadmin

En 2009, l’outre-mer exprimait sa colère face à son malaise économique et social. Aujourd’hui, si la grogne ne fait plus grand bruit, les taux de chômage et les prix à la consommation atteignent toujours des records (malgré les promesses de baisse faites au lendemain des grèves de 2009). La faute à une relation de dépendance économique complexe avec la métropole, puisque les pays et territoires d’outre-mer sont tout aussi liés à la France qu’isolés de celle-ci.
 

C’est une étrange relation économique qu’entretiennent les territoires d’outre-mer et la métropole. Une dépendance économique d’une rare ambivalence, puisque l’outre-mer profite autant de son rapport à la France qu’elle en souffre. Des prix surélevés et des taux de chômage souvent au-delà des 20%, font de l’outre-mer la championne d’Europe en matière de précarité sociale. Les grèves générales qui ont paralysés la plupart des îles en 2009 n’ont pas franchement changé la donne, même si, selon l’EDOM (Institut d'Emission des Département d'Outre-mer), les effets de la reprise économique mondiale commenceraient à s’y faire sentir. « Si l’on prend le creux de 2009 en termes d’indicateur du climat des affaires, qui résume la tonalité des enquêtes de conjoncture, on observe que les choses se sont améliorées, confirme Nadine Levratto, économiste spécialiste de l’outre-mer. Celle-ci nuance toutefois les affirmations de l’EDOM puisqu’elle explique que « les dernières collectes de données réalisées attestent que cet indicateur reste bien en dessous du niveau d'avant crise et que les améliorations ne suffisent pas à compenser les pertes subies dès 2008 ».
 

Des déficits économiques structurels
En cause, le marché du travail qui ne semble pas parvenir à s’améliorer, même si l’on constate un léger ralentissement de sa détérioration. En 2010, l’INSEE recensait par exemple des taux chômage de 28,9 % de à la réunion, 23,8% en Guadeloupe, 21% en Martinique et en Guyane, contre 9,3% en métropole. Des chiffres qui, selon l’INSEE, ont encore augmenté au premier trimestre de 2011. « Ces taux de chômage si élevés s’expliquent par une différence de structure de population. La productivité y est moindre, car la population y est moins bien formée. Il n’y a quasiment pas d’industrie, puisque l’économie est essentiellement basée sur du service. Il y a peu d’industrie et surtout peu d’investissements dans le secteur » explique Nadine Levratto. L’outre-mer souffre en effet d’un déficit d’emplois essentiellement dans le secteur privé. Ce déficit a des conséquences directes sur la population en âge de travailler, puisque la majorité des 15-64 ans n’exerce aucune activité professionnelle. De plus, trois chômeurs sur quatre ne possèdent aucun diplôme, tandis qu’un chômeur sur quatre est sans aucune expérience professionnelle.
 

Prix supérieurs à la métropole
Quant aux prix à la consommation, ils étaient toujours en hausse en 2010, se conformant à la tendance métropolitaine. Selon une enquête de l’INSEE, réalisée en mars 2010, les prix étaient encore nettement supérieurs à ceux de la métropole, notamment de 13% en Guyane, de 9,7% en Martinique, de 8,3% en Guadeloupe et de 6,2% à la Réunion. Des prix historiquement plus hauts qui s’expliquent par les frais de transport et l’octroi de la mer (taxe spécifique à l’importation), un déséquilibre des échanges (la Martinique, par exemple, doit importer en moyenne 120 millions d’euros de biens de consommation par trimestre, Ndr), ainsi que par l’insuffisance de la concurrence, surtout, dans le secteur de la grande distribution. « Le manque d’industrie fait qu’il n’y a quasiment pas de concurrence. Les prix peuvent donc atteindre des records. D’autre part, la barrière de la langue, notamment, fait que la zone de chalandise de ces territoires, reste la métropole. Un éloignement géographique qui entraine des coûts de transport plus importants qu’ailleurs » poursuit l’analyste. L’isolement des territoires d’outre-mer conduit donc au maintient d’une étrange "dictature" économique de la France envers les DOM-TOM. Ces derniers vivant sous perfusion de la dépense publique gérée par la métropole. Toutefois, l’idée d’un changement de structure économique est inenvisageable et serait même catastrophique, selon l’experte : « Car, les territoires économiquement isolés qui ont choisi des systèmes économiques d’indépendance, tels que Saint-Domingue, sont aujourd’hui dans des conditions économiques encore plus difficiles. Sans parler d’Haïti, où les conditions économiques sont dramatiques ».

Augustin Legrand – Orbeat mag pour P&C

Nadine Levratto est l’auteure du livre Comprendre les économies d'outre-mer, ed l’harmattan, 2007
 

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