Edito | Burqa : faillite intégrale

Le 05-02-2010
Par xadmin

Depuis cette rentrée de 1989 à Creil, le voile islamique n’a de cesse d’agiter le monde politico-médiatique. De Lionel Jospin à Bernard Stasi, nombreux sont les hommes politiques qui avancèrent des propositions pour l’interdire dans le cadre scolaire. La commission Gerin franchit certainement une nouvelle étape en se focalisant sur un type de voile, le voile intégral, et en recommandant son interdiction dans les services publics.
Selon le porte-parole de la commission, il s’agit de bannir « intelligemment » la burqa et le niqab du territoire de la République, car contraires à ses valeurs et au respect des femmes. Dans un climat chauffé à blanc par les dérives du débat sur l’identité nationale, cette proposition a ouvert la porte à toutes les confusions.
Dans le maelström médiatique, qui arrivera à mesurer l’écart séparant le « voile légal » et le « voile illicite » ? Qui arrivera à s’affranchir d’un regard suspicieux sur l’islam ? Comment ne pas confondre espace public et lieux du service public ? Comment considérer la laïcité : à la fois garante et indifférente aux cultes ? Burqa, niqab, cagoule, hidjab, espace public, services publics, asservissement de la femme, islam, laïcité, citoyens, communautés, expulsions, musulmans, nationalité… Outre le tournis qui saisit le spectateur de ce débat gourmand en effet de manche et en opportunités électorales, on ne peut que constater la rupture entre « la France d’en haut et celle d’en bas ». Pour 2000 femmes identifiées par les services spécialisés, la classe politique s’administre des poussées de fièvre. Affaire de symbole ou aveu de défiance vis-à-vis de l’islam, des musulmans et de manière générale des composantes de la société française dont l’histoire puisse ses références dans d’autres chapelles ? Par une loi à l’application improbable et certainement adoptée par une assemblée nationale encore hermétique a la diversité sociale et culturelle, la classe politique prouve son incapacité à dialoguer avec cette France d’en bas pourtant riche de ses enseignants, de ses associations, de ses éducateurs, de ses pères et mères de familles… Autant d’acteurs qui au quotidien, sans l’injonction de la loi, dénouent des difficultés qui vont bien au-delà du voile. En se focalisant sur le voile intégral de certaines femmes musulmanes, la classe politique se donne bonne conscience à l’endroit de l’égalité des femmes à un moment où leur situation n’amène aucun satisfecit. En refusant d’aborder frontalement la question des femmes dans la société, la classe politique fait l’économie d’une véritable action en leur faveur qu’elles soient voilées ou non. En entretenant sur le dos de l’islam le mythe d’une laïcité pure et dure, la classe politique oublie l’histoire de la laïcité, à la fois combat et dialogue, et élude la réalité de l’islam français : largement sécularisé et respectueux de la laïcité. Enfin, en agitant à l’excès le spectre de « ces intégristes qui testent la République » et en donnant l’impression d’évoluer dans une citadelle assiégée, l’élite politique avoue son enlisement dans l’identité légale de ce pays et son ignorance de son identité réelle.

Farid MEBARKI, président de l'association Presse et Cité
 

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