
Des Lycéens du 93 interprètent la mémoire du 11 septembre

Ils avaient de 6 à 9 ans le 11 septembre 2001. Ils en auront de 16 à 17 lors de la commémoration des 10 ans des attentats. Pour l’occasion, à l’initiative de l’association Citoyenneté Jeunesse, les lycéens de 3 établissements de la Seine Saint-Denis - le lycée Voillaume à Aulnay-sous- Bois, le lycée Jean Renoir à Bondy et le lycée Évariste Galois à Noisy-le-Grand- vont interpréter sur la scène du théâtre de la Ville de Paris le texte de Michel Vinaver sobrement intitulé…11 septembre 2001. Lors d’une répétition publique le 15 avril au Forum culturel du Blanc-Mesnil, ils présentaient deux extraits de la pièce mise en scène par Arnaud Meunier ainsi que le travail éducatif réalisé sur le sujet avec leurs enseignants.
« L’année dernière on a imaginé un moment pour les 10 ans du 11 septembre, explique Jean-Michel Gourden directeur de Citoyenneté Jeunesse. Tout le monde a déjà vu les mêmes images. On s’est demandé comment faire autre chose. C’est l’auteur du texte Michel Vinaver qui nous a recommandé Arnaud Meunier pour la mise en scène. Ce dernier tenait à ce que le texte et l’événement soient incarnés par des jeunes de Seine-Saint-Denis. Le projet a une double ossature : un aspect strictement artistique, avec un parcours initiatique de théâtre pendant les temps scolaire et non scolaire et un côté éducatif et culturel qui leur donne des éléments pour penser cet événement.»
Un projet très sensible compte tenu de la théorie du « choc des civilisations » et de la stigmatisation de l’islam qui ont découlé du 11 septembre. Pourtant la complexité et l’actualité du sujet n’effrayent pas l’association : « C’est cette complexité qui nous attire, précise Jean-Michel Gourden. Travailler avec des jeunes gens qui sont en capacité d’aborder la complexité du monde, y réfléchir, y participer. On fournit des outils de réflexion. On n’est pas là pour donner la bonne parole. Ce n’est pas forcément parce que quelque chose est dit à la télé que c’est vrai. Il faut faire l’effort d’avoir son propre raisonnement, entendre plusieurs opinions et analyses pour se forger la sienne. C’est pour ça que les enseignants sont là. »
Une équipe pluridisciplinaire d’enseignants s’est impliquée dans le projet : outre les professeurs de français, d’histoire, d’économie, le professeur d’anglais est également intervenu, notamment pour les chœurs de la pièce, en anglais. Un multilinguisme qui traduit la dimension « globale » du 11 septembre.
Marie-laure Basuyaux, professeure de français de la 1ère STG2 du Lycée Voillaume d’Aulnay-sous-Bois, y voit une occasion de rendre attractives les matières littéraires pour ces élèves des filières technologiques : « Grâce à Citoyenneté Jeunesse, les élèves ont eu un parcours de spectateurs en allant voir 4 pièces. Normalement ils n’ont que 20 heures de théâtre dans l’année, là ils en ont fait tous les vendredi après-midi. La pièce a un vocabulaire simple qui leur a permis de lire du théâtre, chose qu’ils n’auraient pas faite autrement. Ils ont également pu rencontrer des comédiens, un ethnologue…»
Maiv, qui fait partie des jeunes comédiens juge quant à elle que le plus dur est de « parler face à un public, plus que d’apprendre le texte, car le sujet est intéressant ». Elle a eu l’occasion dans le cadre de cette initiative d’aller au théâtre pour la première fois.
Autre dimension inattendue de cette initiative : transformer certains élèves en auteurs/rédacteurs d’une mini-pièce. Ainsi, une équipe d’ « élèves-écrivains » s'est inspirée de la technique d’écriture de Michel Vinaver –un collage de témoignages tirés de la presse- pour décrire les impressions des élèves mais aussi travailler sur l’actualité récente comme la révolution tunisienne du 14 janvier 2011. Parmi eux Anne-Sophie qui a notamment apprécié l’intervention dans son lycée de l’ethnologue Mourad Hakni « qui nous a apprit qu’il fallait réfléchir, toujours voir plus loin sur les questions comme l’islamophobie, les stéréotypes …».
Si le texte de Michel Vinaver, qui illustre la confusion créée par l’événement, n’a pas de parti pris, la question semble plus délicate pour les professeurs d’histoire qui se sont parfois retrouvés en opposition frontale avec certains élèves, surtout masculins. Ainsi pour Caroline Abiven : « le plus dur est de les faire s’interroger sur les sources, arriver à exposer clairement ce qu’on sait et ce qu’on ne sait pas ». Déjà en difficulté pour traiter des sujets comme le conflit israëlo palestinien –« c’est délicat pour tous les sujets qui touchent de près ou de loin à l’islam »-, elle appréhende l’année prochaine où le 11 septembre va se retrouver au programme de Terminale. « J’espère qu’ils auront acquis un regard critique et une petite distance, qu’ils sauront s’interroger, qu’ils éviteront les amalgames et les généralisations comme « nous les musulmans» ».
Sur le plan artistique, les extraits du spectacle interprétés sur la grande scène du Forum Culturel du Blanc-Mesnil donnent un aperçu prometteur du résultat, au grand bonheur des parents : « Merci d’avoir choisi des élèves de milieux modestes » dira l’un d'eux au micro après une longue session d’applaudissements.
YT