Banlieues de la République : quelques lueurs d’espoir dans un océan de méfiance ?

Le 05-07-2013
Par Erwan Ruty

Le 03 juillet, le collectif Stop le contrôle au faciès assignait l’Etat pour « contrôles d’identité abusifs ». Au même moment, une dizaine d’associations débattaient des suites à donner à leurs déjeuners avec le chef de l’Etat. Et au milieu : une Conférence de citoyens de 48 heures à Saint-Ouen, avec 120 associations de quartier et un ministre de la Ville. Banlieues, terre de contrastes. 

 
Alors que les signaux en direction des banlieues, venant des hautes sphères étatiques, se font attendre, les premiers signes d’impatience et de désarroi sont perceptibles. Après une longue campagne (plus de deux ans) et pas mal de rebuffades (ajournement de la promesse d’établir un « récépissé » pour les contrôles d’identité), quatorze membres du collectif Stop le contrôle au faciès décidaient de poursuivre le ministère de l’Intérieur, rien de moins, devant le Tribunal de grande instance de Paris. Si la plainte est jugée recevable, ce qui n’est pas garanti, le ministère serait donc sommé de s’expliquer sur des « contrôles non motivés ». 
Une action coup de poing dangereuse pour ceux qui la mènent, dans un contexte de précarisation croissante des associations de quartier, qui sont parmi les derniers remparts contre la dislocation de banlieues frappées par des décennies de crise structurelle et de ghettoïsation - quelques chiffres connus doivent à ce titre être sans cesse répétés : un taux de pauvreté de 36% en ZUS, 7000 associations de banlieue soutenues en 2012, contre 12 000 cinq ans plus tôt, par l’Acsé…
 

Déclarations d’amour et preuves de désamour 

Un des convives invité à l’Elysée le 24 juin dernier avait beau jeu de dire « il y a eu une déclaration d’amour, mais pas encore de preuves d’amour ». Quand certaines d’associations, comme Presse & Cité, regardent leur compte en banque et constatent que leur budget 2013 a baissé de plus de la moitié par apport à 2012 (sans même parler des procédures kafkaïennes et des retards de paiement phénoménaux, comme pour la plupart des associations), on peut même parler de preuves de désamour extrêmement explicites. Incontestablement, les pouvoirs publics, et les élus, sont totalement incapables de faire exécuter par les administrations dont ils sont responsables, les conventions signées et les décisions prises, ce qui ne permet tout simplement pas à ces associations d’assurer leur rôle citoyen, pas plus que de remplir leurs missions.
 

Une conférence de citoyens porteuse d’espoir

C’est à cette lumière qu’il faut comprendre le désarroi de décideurs qui recherchent des interlocuteurs durables dans les quartiers, et leur demandent de s’unir pour proposer des projets phares, comme cela a été très explicitement demandé concernant le trentième anniversaire de la Marche pour l’Egalité – en vain pour l’instant. A ce jour, un espoir vient cependant peut-être de la récente mission Bacqué-Mechmache sur la participation des habitants à la politique de la ville. Car jamais sans doute une instance étatique (ici : le ministre en charge de la politique de la Ville, François Lamy) n’aura initié une telle concertation, autour des banlieues : débats préalables ouverts au public dans une dizaine de villes, questionnaire d’information envoyé tous azimuts sur les réformes à initier dans les quartiers, et, last but not least, la mission elle-même : cinq mois de travail, clôturés par une conférence citoyenne de deux jours, avec 120 associations de toute la France, les 29 et 30 juin. Et si on peut légitimement s’interroger sur les conséquences des mesures recommandées par ce rapport, puisqu’une loi est déjà discutée au Conseil d’Etat sur la réforme de la politique de la Ville, avant donc la remise du rapport ce 08 juillet ; quelques signes encourageants sont quand même à noter : la mission a pu travailler dans une indépendance absolument rigoureuse vis-à-vis du ministère (et de son administration), puisque ni l’un ni l’autre n’ont pu y participer –se contentant de la financer donc les yeux fermés (un signe, encore, de méfiance caractérisée à l’endroit des institutions, de la part des porteurs de cette mission). 
 

Pour la création d’un « Syndicat des banlieues »

Reste une question : au-delà des aspects législatifs pour le moins incertains évoqués ci-dessus, quelles seront les suites de cette mission, et de cette conférence ? Car là est bien le défi : parvenir à créer une instance de suivi de ces travaux, à partir des 120 présents. Instance qui aurait intérêt à devenir l’embryon d’un véritable « Syndicat des banlieues », c’est-à-dire un organe permanent, consultatif ou délibératif, interlocuteur que recherchent tous les pouvoirs publics depuis 30 ans, composé d’associations de quartier réunies sur tout le territoire. Et dans lequel serait bien avisé se fondre une partie du groupe d’associations reçue à l’Elysée…
 
 
 

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