
Banlieues, 5 ans après l'insurrection... et combien avant l'implosion ?

« Je n'ai jamais cru au Plan Marshall pour les banlieues » confiait Maurice Leroy, nouveau Ministre de la ville. Qu'on le rassure : les banlieues elles non plus aussi n'y croyaient plus depuis longtemps. Mais un renoncement sans alternative est-il plus mobilisateur qu'un mirage qui s'évanouit ? Car si le Plan Banlieue a bel et bien fait « pschit », la « Dynamique » du même nom s'est embourbée dans les méandres administratifs et les marécages d'une machinerie gouvernementale dirigée par le « bourgeois de la Sarthe » dont parlait Fadela Amara. Les banlieues elles-mêmes ne pouvant faire « pschit », ne risquent-elle pas plutôt de faire « crac-boum-hue » ? Le risque semble calculé, en haut lieu. Si on ne vote pas dans les quartiers, aucun homme politique n'a rien à y gagner à court terme. Par contre, il peut gagner des voix en donnant de la voix contre les banlieues. Ce sympathique projet pointe en effet à l'horizon, quand on résume la situation : l'ANRU était un riche projet d'unification des politiques de la ville, mais il claudiquait sur une seule jambe, celle de la reconstruction et de la rénovation du bâti (qui a toujours engraissé les bétonneurs et consultants en urbanisme). Comme en 60 : tout pour le béton, rien -ou presque- pour l'humain qui l'habite. Ce dernier pouvait certes néanmoins se consoler sur les chaînes de montage des usines. Las ! Celles-ci ont disparu. L'ACSé, pendant social de l'ANRU, a rempli de nombreuses missions (aides aux associations, à la culture, au lien social...). Mais la situation de ce dernier organisme, plongé dans le chaos de la réforme des politiques publiques, est plus qu'incertaine. Par gros temps, quand la méritocratie républicaine se grippe, seuls les groupes de pression les mieux introduits dans les sphères décisionnelles survivent. Or, notre Dossier « 5ans plus tard » -bientôt en ligne sur le site de Presse & Cité- le prouve : depuis la déliquescence de la classe ouvrière et de ses organisations, et alors que les autres modes de structuration communautaires sont conspués, les quartiers populaires ont du mal à reconstruire de l'action collective susceptible d'influencer les décisions. Ils n'ont plus de représentants pour les défendre au milieu de la tourmente. Déjà, les services publics avaient tendance à déserter les banlieues. Les associations y palliaient tant bien que mal. Par temps d'austérité, la fonte des budgets de l'action sociale touchera d'abord ces associations. Le financement par l'Etat des Maisons de l'Emploi se tarit en Seine-Saint-Denis ? Un commissariat vient d'ouvrir à Clichy-sous-Bois ! Les élections se préparent : la police sera dorénavant le premier interlocuteur pour répondre à la misère sociale. Les pauvres n'ont qu'à bien se tenir, le Kärcher est toujours prêt à l'emploi !
Erwan Ruty, directeur de Ressources Urbaines