
Banlieue meets U.S.A episode 1 : Sandy

« Forward » (en avant) avec l'actuel président des États-Unis, slogan moins punchy que le célébrissime « Yes we can » ? Ou alors « Believe in America » avec Mitt Romney le riche businessman, candidat des républicains ? Presse & Cité prend le pouls de l'Amérique d’en bas.
« Welcome to America »
Entrer aux États-Unis c'est simple, malgré la sécurité durcie depuis le 11 septembre 2001. Démonstration : arrivée à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle à 6 h, enregistrement, passage au détecteur de métaux, décollage, arrivée à Munich, douane, décollage, arrivée à Washington à 17h heure locale, facile ! Après 11h de vol, je me retrouve face au hall immense où ont lieu les contrôles des douanes. Sur ma gauche, la file réservée aux citoyens américains, une dizaine de personnes tout au plus, les contrôles sont rapides, efficaces. A ma droite, la file réservée au « reste du monde », un serpent humain de plusieurs centaines de personnes, le passeport à la main, avec l'espoir de ne pas avoir à repartir de là où ils viennent. Trois quart d'heure plus tard, Miss Tixler, avec l'habileté et la rapidité d'une chaîne de production Ford, tamponne mon passeport, mon visa et me glisse « Welcome to America. »
l’Amérique est plus métissée, l'électorat blanc a largement diminué
Ils ont les moyens d'acheter la politique, mais on ne peut plus rien y faire maintenant.
55%
Lundi matin, sous une pluie battante, premier rendez-vous avec le Dr Steven Billet, directeur de l'école de management politique de l'université George Washington. Professeur dans l'âme, quand les mots venaient à lui manquer pour expliquer le système politique américain, il tentait de trouver son feutre Veleda avec l'ardeur d'un asthmatique cherchant sa Ventoline. Pour lui, un des chiffres clés de cette élection est 55% : « Avant, le candidat qui pouvait s'assurer 55% de l'électorat blanc était quasiment sûr de gagner les élections. Aujourd'hui, la donne a changé, l’Amérique est plus métissée, l'électorat blanc a largement diminué et les 55% ne suffisent plus. » Selon le Dr Billet, une deuxième chose a radicalement changé la donne : « En 2010, un arrêt de la Cour suprême abolit les plafonds de dons pour les comités d'action politique. » Les comités d'action politiques (political action committee) sont des organisations privées qui mobilisent des fonds pour créer des publicités pour ou contre un candidat. Avec les fonds illimités, ces comités ont une influence beaucoup plus importante, ce que note avec un certain fatalisme notre professeur : « Ils ont les moyens d'acheter la politique, mais on ne peut plus rien y faire maintenant. » L’Amérique est-elle devenue une ploutocratie, un pays gouverné par les riches ?
Sandy porte définitivement bien son nom, elle est le grain de sable qui est venu gripper la mécanique électorale américaine
And now ladies and gentlemen : Sandy !
Après cette première rencontre, en fin de matinée, le programme est complètement bouleversé par Sandy. Prénom qui ressemble plus à celui d'une ado capricieuse de sitcom qu’à une tempête venue chambouler l'agenda politique américain. Tout est fermé, les gens sont priés de rester chez eux. Bloqué à l'hôtel, je trouve du réconfort avec les paroles bienveillantes de mes proches par mail : « Alors t'es coincé ?! T'es en garde à vue, t'inquiète tu pourras sortir dans 48 heures. » Ou encore : « Tout ce chemin pour grossir les chiffres de la population carcérale afro-américaine ! ». Dans la nuit de lundi à mardi, « Hurricane Sandy » est devenue « Superstorm ». Big Apple a failli se transformer en Atlantis. Washington a essuyé de grosses rafales. L'Amérique est sous le choc. Dans les couloirs de l'hôtel les mots qui reviennent le plus souvent sont : « It's crazy ! » Les gens sont attablés avec un thé ou un café dans la salle du bar. Tous ont les yeux rivés sur l'extérieur, à travers les grandes baies vitrées, les arbres et autres panneaux résistent difficilement au vent. Obama et Romney ont annulé leurs meetings. Ils ont tous le deux quitté leurs habits de candidats pour enfiler, respectivement, celui de « super-président » et « super-patriot ». Les télévisions n'en perdent pas une miette. Comme dans un bon vieux film hollywoodien, le côté dramatique et décisif de cette dernière semaine est amplifié par des trombes d'eau se déversant sur New York. Je ne compte plus le nombre de journalistes télé en K-way et bottes, capuche sur la tête, en train de marcher dans 50 centimètres d'eau, le visage giflé par le vent et la pluie, qui continuent à nous dire que la tempête est là...
Durement touchée, la côte Est des Etats-Unis se relève doucement. Sandy porte définitivement bien son nom, elle est le grain de sable qui est venu gripper la mécanique électorale américaine bien huilée. Pour ma part, la garde à vue est terminée. Cet après-midi, direction Pittsburgh en Pennsylvanie, un état historiquement démocrate qui pourrait voir Romney remonter. A suivre...
Charly Célinain