
Bagnolet : la jeunesse investit la mosquée

A 20 ans Houssemeddine est un studieux étudiant en licence de maths. Il est aussi le community manager du Centre culturel musulman de Bagnolet. Rencontre avec la nouvelle génération de musulmans 2.0.
Discrète djellaba blanche, il ne quitte pas son manteau en cet hiver rude. Juste après la prière du vendredi, Houssemeddine, 21 ans, fait la visite du Centre culturel musulman l’Olivier de la Paix-Zeytouna les yeux fermés. Un lieu qu'il connaît par cœur pour avoir participé aux travaux avant son ouverture officielle en 2004. Visage poupin mais personnalité bien affirmée, le jeune étudiant en licence de mathématiques parle calmement et sereinement. "Chaque vendredi, je place des centaines de fidèles avant la prière et je m'occupe de la collecte de dons…"
Communauté musulmane… version Facebook
A proximité de petits immeubles, niché entre des commerces de proximité, le centre est venu compléter l'offre des quelques mosquées de la ville de Seine-Saint-Denis. Cours de langue arabe, conférences, prêche du vendredi… les activités sont nombreuses. Des animations millimétrées, orchestrées par de jeunes bénévoles. " Le vendredi, je peux dire que 40% des fidèles ont moins de 35 ans. Il y a vraiment un intérêt pour la religion et un retour aux sources. De plus, l'accès au savoir est facilité : si l’on compare avec 20 ans en arrière, qui fréquentait les mosquées ? Combien assistaient à la prière du vendredi ?" lance Houssemeddine. Dans sa famille, l'éducation religieuse est une priorité. Enfant, il intègre l’école arabe de La Réussite, à Aubervilliers, jusqu'à l'âge de 14 ans. Une fois que le centre de Bagnolet a ouvert ses portes, il y a poursuivi son apprentissage de la langue et des textes religieux. Son implication est donc toute naturelle. L'autre responsabilité qu'il assume à la mosquée est celle de community manager. "J'anime une communauté d’utilisateurs sur le site du centre, et sur Facebook. Cela va des simples réponses aux mails reçus, à la production de contenu, mais aussi la mise en ligne de vidéos des prêches ou d'informations. Mon objectif est de produire du contenu de qualité plutôt que de la quantité". Fan d'informatique et de nouvelles technologies, c'est un peu le « geek » de sa famille et de son entourage. Du haut de son jeune âge, il arrive même à tirer un revenu de la création de sites web et de supports de communication, via son agence Heizenberg-agency. Egalement passionné de photographie et de vidéo, il a réalisé lui-même quelques documentaires, dont un avec Islamotion.tv, « Un esprit sain dans un corps sain ».
Loin du cliché du "fou de Dieu", Houssemeddine est avant tout une jeune hyper-actif, et surtout bien dans ses basquets. Justement, le basket-ball fait partie de ses passe-temps favoris. Le vendredi est aussi jour des matchs entre amis et chaque soir, il suit les matchs de NBA… "Dieu merci, je n'ai jamais eu de problème d'identité. A chaque fois que je me suis posé des question, j'ai eu des réponses…" explique-t-il simplement. Mais à 20 ans, à l'âge où la plupart des jeunes disent ne pas avoir assez de temps à passer avec leur propre famille entre les sorties entre amis, les loisirs… Qu'est ce qui motive Houssemeddine à s'engager autant pour la mosquée ? "Je trouve un réel plaisir à aider. Voir le sourire des anciens lorsque j'échange quelques mots avec eux, c'est quelque chose de spécial. Et de toute façon, je suis convaincu que je serai récompensé pour tout ce temps consacré à ma religion" explique-t-il.
Houssemeddine n’est pas une exception, le centre Culturel de Bagnolet non plus. Les récentes mosquées qui ont fleuri ces dernières années en Île-de-France sont très fréquentées par les jeunes. Résultat, les outils évoluent et s'adaptent au public. On ne compte plus les nouvelles applications Iphone pour trouver la mosquée la plus proche, avoir les horaires de prière ou la traduction du Coran… Ou même des quizz pour tester ses connaissances. Une génération qui a grandi avec le boom de l’Internet et du web 2.0. Rares sont ceux qui ne sont pas inscrits à un réseau social. Tout comme d’autres institutions officielles ou de loisirs, les organisations religieuses répondent à la demande et exploitent ce support pour mieux communiquer.
Mobilisation des jeunes dans les khoulouges
Les khoulouges, mot arabe que l’on peut traduire par « sorties », sont des virées organisées de musulmans, qui vont prêcher la bonne parole. Un groupe se forme et s’organise avec la mosquée d’une autre ville, qui s’engage à les accueillir. Les fidèles bénévoles partent plusieurs jours en immersion dans une ville qu’ils ne connaissent pas, pour aller à la rencontre des fidèles, visiter les malades ou rendre visite aux familles dans le besoin. L’occasion d’avoir des conseils et avis de personnes extérieures qui ne connaissent pas forcément le parcours ni la famille du fidèle visiter. Au programme : échanges, prêches, prières collectives et discussions informelles avec la jeunesse… Car les « cibles » privilégiées des prêcheurs sont les jeunes des quartiers, parfois tombés dans la délinquance et en manque de repères. Entre jeunes du même âge, on est plus à l’aise pour échanger sur certains points… Dans une ambiance décontractée, les khoulouges sont aussi l’occasion de partager des repas avec des fidèles soit chez eux, soit à la mosquée.