5 ans après à Marseille : « Le quartier , c’est tout ce qui nous reste » - Med'in Marseille

Le 10-01-2011
Par xadmin

Lors des révoltes urbaines de 2005, la cité phocéenne a souvent été citée en exemple pour son calme apparent. Côté institutions, on y voit l’effet de la mer, du soleil et du foot. Habitants des quartiers populaires et travailleurs sociaux ne sont pas de cet avis. Reportage à la Savine.
« La Savine c’est pas Marseille… Et encore moins la France ». Cette page internet, créée par un résidant du quartier de
la Savine, apparaît comme doublement symptomatique du ressenti des habitants des quartiers populaires de Marseille. D’une part les cités – principalement situées au nord de la ville – sont enclavées, tenues éloignées du centre ville, en dehors de nombre de dispositifs de droit commun. Mais elles représentent d’autre part des villages dans la ville, à l’identité propre, où tout le monde se connaît. Il y a là des ingrédients contradictoires, qui pourraient corroborer comme infirmer la théorie qu’à Marseille, cela va mieux qu’ailleurs. Et expliquer pourquoi la jeunesse n’a pas mis la ville à feu et à sac lors des émeutes urbaines de la fin 2005.
Les acteurs institutionnels, à l’instar du maire Jean-Claude Gaudin, aiment à rappeler que « la mer sert de défouloir, et l’OM
de ciment
». Candide celui qui y croirait. Bien sûr, la topographie singulière de Marseille – les quartiers n’étant pas logés en périphérie mais en son coeur, et le brassage culturel contribuent à une sorte d’inclusion. Les plus optimistes pensent, eux, que le lien social et le travail associatif ont payé. « On apprend aux jeunes à se défendre, à s’exprimer sans violence », explique Saïda Hidri, coordinatrice savinoise de l’association La Cigale et la Fourmi. D’autres suggèrent qu’il s’agit d’une différence de « mentalité » : « en juin, nous avons reçu des jeunes de Villiers-Le-Bel, raconte Aly Ibrahima, fondateur de B-Vice. Ce sont des furieux, et nous des tendres ! » Pour la directrice du centre social de la Savine, « le poids des problèmes est parfois tellement écrasant que les gens ne réagissent pas ». « Faire une révolte, tout casser, tout brûler… Non, le quartier, c’est tout ce qui nous reste ! », analyse Marie, qui a quitté il y a un an sa cité pour s’installer dans une autre, à Campagne Levêque.

D'une non révolution à une non évolution?
Certains évoquent également la prégnance des « réseaux », le trafic de drogue ne souffrant pas l’intrusion des forces de l’ordre dans les cités. Hypothèse non vérifiée. En cinq ans, les lignes ont-elles bougé? Les responsables locaux de la Politique de la Ville l’assurent : « Nous finançons chaque année autour de huit cents actions. Nous avons treize projets ANRU. On a aussi mis en place un Observatoire des quartiers en 2007 et des « sas » pour l’accès à l’emploi des jeunes ». En 2009, « au moment de la venue de Fadela Amara, ça a bougé un peu. Mais le lendemain, pour ainsi dire, c’était terminé », constate amèrement Rachida Tir, qui habite la Savine depuis dix-huit ans. La rénovation urbaine suit son cours, ralentie par des problèmes d’amiante. Des bâtiments sont détruits. Pour l’instant, aucun ne sort de terre. L’accès à l’emploi reste lui aussi extrêmement difficile : « On subit de plein fouet la crise mondiale » regrette un cadre des Contrats Urbains de Cohésion Sociale. A propos du Plan Espoir Banlieues, Mohamed Bensaada, porte-parole de Quartiers Nord Quartiers Forts fulmine : « 500 millions d’euros pour tirer la totalité des quartiers populaires vers le haut, c’est nous prendre pour des abrutis ». Sif, jeune Savinois, conclut : « Il y a tellement eu de promesses qu’aujourd’hui tu peux même pointer le bon dieu, les jeunes ils te regarderont, pires que sceptiques ».

A-A. Morell / Med In Marseille
 

 

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