
20 ans de coupes du monde vu par le Médialab93

L'amour foot de la rue - Episode 3. Nous avons tous un souvenir de 1998 : un lieu, une histoire, un sentiment. Une date intégrée au calendrier national, qui a offert à la France un bonheur unificateur. De nouveau totalement baignés dans l'ambiance de cette compétition sportive, nos résidents ont accepté de nous raconter leurs souvenirs. 20 ans plus tard, on fait le bilan. La coupe du monde de foot est-elle toujours aussi fédératrice pour les Français ?
Une enfance en bleu
Aïda Guey, coordinatrice de projet de Yes we can
En 1998, Aïda âgée de 11ans, était avec ses frères et soeurs à Marseille, une ville possédée par le foot. "Tout le monde était pour la France peu importe l'origine, nous on était pour le Brésil, on était persuadé que le Bresil allait gagner" explique la jeune femme. Avant le début du match, Aïda et sa fratrie sont sortis dehors, ce fut la stupéfaction pour la petite fille qu'elle était. "Je découvrais pour la première fois mon quartier autrement qu'en bleu clair et blanc [couleur de l'olympique de Marseille] - NdlR, le bleu était plus foncé et le rouge s'était rajouté au paysage" raconte Aïda. Cette ville qui de tout temps était profondemment marseillaise est devenu française. "Marseille se fédérait au reste du pays"déclare-t-elle. En remontant chez elle Aïda avait changé de camp.
Une fois la victoire remportée par la France, Aïda du haut de son 14eme étage a pu admirer Marseille en mouvement, les voitures, les rues, les drapeaux. Trop petite pour pouvoir aller festoyer dehors, la jeune femme se souvient avoir hurlé depuis sa fenêtre à s'en casser la voix. C'est son premier souvenir en tant que française et non marseillaise. Le lendemain, lors de la descente de Zidane, henry, Thuram, etc Aïda était fière de sa patrie elle se souvient : "C'était stylé d'être français". Mais la coupe du monde dont elle se souviendra le plus reste celle de 2002 grâce à un match décisif entre le Senegal et la France.
Aujourd'hui, le regard qu'elle porte sur le foot a complètement changé. Cette année est pour elle la coupe du monde de la désillusion. En effet, la jeune femme explique avoir beaucoup de mal à célébrer et à être dans l'ambiance nationale. "C'est une telle mascarade hypocrite que de se réunir sur un terrain et de montrer une cohésion mondiale autour du sport alors qu'on ne se fédère pas pour la santé pour la paix ni pour la justice..." regrette Aïda. Pour la jeune femme il est assez interpellant de mettre autant d'énergie et de moyen pour se faire plaisir mais pas pour aider autrui.
Les femmes qui aiment le foot
Anastasie Ndongo Obama, responsable partenariat et communication de Rev'elles
En 1998, Anastasie avait 11 ans, se souvient s'être rendue en ville avec sa famille pour célébrer la victoire de la France. Son père au volant ne cessait d'appuyer sur le champignon. Les rues étaient pleines de vie, tout le monde était heureux. "Mon père s'est fait arrêter par des passants qui
l'appelaient Thuram parce qu'il était noir, ça l'a fait rire" raconte la jeune femme. Cette victoire de la France reste incontestablement l'un des plus grands moments de joie pour la France et ses habitants.
Depuis ces 11ans, la jeune femme n'a cessé de suivre les coupes du monde qui ont suivi. Les années passant, quelques déceptions sont survenues. "Ultra déçue de la finale de 2006, j'étais à fond derrière Zizou. Si Zizou a fait ce qu'il a fait c'est qu'il avait ces raisons" affirme la jeune femme qui ne s'est pas sentie triste pour la France mais pour son joueur préféré. Avec les années l'engouement reste le même selon elle. Néanmoins, les histoires annexes qui s'ajoutent à la compétition empiètent sur l'enthousiasme collectif. "On s'est éloigné du sujet, beaucoup de gens parlent alors qu'ils ne devraient pas, les politiciens n'ont rien à faire là-dedans. Il faut laisser la justice trancher avant de pénaliser" explique la jeune femme qui fait allusion à l'affaire Benzema. Voici un exemple d'histoire annexe qui diminue le soutien national à l'équipe de France.
Le foot et ces réactions extrêmes
Eliot Clarke, responsable communication de la ZEP (Zone d'expression prioritaire)
"En 1998 j'avais 8 ans, j'étais à la campagne et pour la première fois de ma vie j'ai vu mon grand-père boire et ma grand-père fumer" raconte Eliot. Cette victoire de la France a donné lieu à des célébrations les plus inattendues qui restent un souvenir qu'Eliot gardera toute sa vie.
En 2006, il se trouvait aux Etats Unis, dans un bar entouré d'italo-americains. Une situation plutôt délicate puisque au moment du fameux "coup de boule" de Zidane, il s'en souvient: "je me suis fait traiter de tous les noms par les italiens, comme ci je représentais la France à moi tout seul" se rappelle-t-il. Ce que retient le jeune homme du foot c'est qu'il peut créer des réactions incroyables, en bien comme en mal. Quand bien même il n'est pas fan de foot, Eliot admet que ce sport rassemble la population.