Tunisie post-révolution : "cet été, je rentre… ou pas ? "

Le 15-07-2011
Par xadmin

La diaspora de France, ivre de fierté, a suivi de très près la révolution tunisienne. Mais voici venue l'arrivée des vacances estivales. Le pays en crise a plus que jamais besoin du soutien financier précieux de ces Franco-tunisiens. Vont-ils répondre à l’appel ? Rien n'est moins sûr…

Depuis quelques mois, une campagne de publicité est apparue dans les magazines communautaires, les agences de voyages, sur Facebook et autres sites internet. Des photographies d'enfants assis sur les bancs de l’école ou d'un vieux paysan… Le tout accompagné du slogan : "Cet été je rentre pour eux". C'est le titre de la campagne de communication lancée par le magazine de la diaspora, 00216 Mag. La Tunisie lance ainsi clairement un appel à l'aide financière à sa diaspora. Le tourisme, élément essentiel à l'économie du pays a en effet dégringolé.

Je n'ai connu que l'ère Ben ali
Pour Nayla, 29 ans, il n'en fallait pas tant pour aller en Tunisie." Oui bien sûr, je rentre cet été pour soutenir à mon niveau les Tunisiens financièrement. Je sais que ça n'est pas évident en ce moment... Mais je veux aussi voir à quoi ressemble la Tunisie depuis le 14 janvier. Je n'ai connu que l'ère Ben Ali et j'ai hâte de voir la Tunisie révolutionnaire et libre ". Car cette révolution a été portée aux nues par ces Franco-tunisiens. Depuis le jour de la fuite de Ben Ali, ils suivent de très près l'actualité. Au téléphone avec la famille, devant la chaîne Aljazira ou sur leur clavier d'ordinateur, ils ont tout suivi des événements, minute par minute. " Oui nous avons été très actifs sur facebook etc... Mais cela n’est rien à côté des manifestants là-bas qui ont été les cibles de tirs à balles réelles..." tempère Hayder, 30 ans. Ce jeune professeur d'histoire-géographie n'avait pas prévu de se rendre en Tunisie cet été. " J’y suis allé plusieurs fois déjà ces derniers temps et je comptais passer mes vacances ailleurs... Mais je me dois d'y aller. C'est important de participer même un petit peu ! " poursuit-il. " On le sait, nous représentons un pouvoir économique, on a toujours été chouchoutés quand on se rend là-bas. Ca sera encore plus le cas cette année ".

Accueil spécial
En effet, les autorités attendent de pied ferme cette diaspora solidaire. Si ces Franco-tunisiens n'ont pas vécu physiquement la révolution, les professionnels du tourisme comptent bien sur eux. Dès les premières arrivées de vacanciers, un accueil spécial leur sera accordé du 5 juillet au 15 août. Leurs seront offerts des chèques de réductions à valoir dans des sociétés tunisiennes. Sur le retour, des paniers gourmands seront proposés à la vente du 25 juillet au 25 août. Leurs bénéfices seront distribués aux régions les plus touchées par la crise. La majorité des sociétés joue le jeu. Les voyagistes d'abord : promotion sur les vols et les hôtels. Les compagnies d'assurances ne sont pas en reste, elles proposent un tarif spécial pour les habitations secondaires de ces précieux ressortissants. Des offres variées rassemblées dans un site internet spécialement lancé pour ce "retour". Sur "Jerentre.com" les entreprises annoncent au fur et à mesure leurs promotions et avantages. Sont concernés 1,4 millions de Tunisiens de l'étranger dont 600 000 en France. Malgré tous ces efforts, Hayder n'a pas souhaité que sa propre mère l'accompagne au pays. En tant que jeune papa de 32 ans, Mohamed se méfie d'un voyage en Tunisie. Il a décidé de passer ses vacances ailleurs, en Crète. Pourtant ses deux sœurs et sa mère se rendent en Tunisie sans crainte. " Je n'ai pas peur pour moi mais pour ma femme qui n'est pas d'origine tunisienne et pour ma fille de 20 mois " raconte cet informaticien. " Ce sera tout de même nos vacances, je ne peux pas leur imposer cela. S'il y a un couvre feu, ça ne sera pas très drôle pour nous. Toutes les meilleurs animations en Tunisie, se déroulent le soir !". Sa sœur, Dalila, ne partage pas du tout cet avis. " Vu la situation économique du pays, les touristes étrangers ne seront pas nombreux, c'est à nous Tunisiens de descendre en masse pour relever un peu la situation. Sachant qu'on compte déjà sur nous tous les ans pour faire tourner les restaurants, les cafés, les boîtes, cette année il faut mettre les bouchées doubles ! Ceux qui préfèrent dépenser leurs sous ailleurs me dégoûtent ! "

Un air de liberté
Si Dalila est si virulente, c'est peut-être car elle a déjà goûté, contrairement à Mohamed, à la "Tunisie libre". " J'y étais par hasard en décembre et j'ai voulu y retourner en mars. Cet été, je repars pour suivre les élections qui étaient prévues le 24 juillet avant d'être reportées le 24 octobre ". Car pas question de rater cette période cruciale des élections et ne pas donner son avis sur la formation de l'assemblée constituante. La diaspora suit autant les débats électoraux tunisiens que ceux de la France. Ainsi, le 25 juin dernier, les représentants les 13 partis politiques tunisiens se sont déplacés au Bourget, en région parisienne, pour rencontrer directement leurs électeurs à l'initiative d'un collectif d'associations franco-tunisiennes. « Chaque formation politique représentée par un ou deux intervenants bénéficiait d'un peu moins de vingt minutes selon un ordre établi par un tirage au sort." explique Samia Hathroubi, l'une des organisatrices franco-tunisienne et modératrice du débat. Car au lendemain de la période des vacances estivales, la diaspora sera de nouveau appelée à participer en masse aux élections. « Un nouveau rendez-vous est pris à la fin du mois de septembre par les mêmes associations. Nous espérons par notre action offrir l'éclairage suffisant pour que les tunisiens votent lors des premières élections démocratiques du pays du Jasmin qui insuffla la démocratie et la liberté dans le monde arabo-musulman » se réjouit Samia Hathroubi.

Mérième Alaoui
 

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