
Femmes en révolutions à Lyon

Du 26 au 30 septembre, la rencontre « Femmes en Révolutions » a donné la parole aux femmes du Maghreb et du proche Orient engagées dans leur pays. Le collectif d’associations « Solidarité avec les femmes dans les révolutions arabes » initié en avirl 2011 par Najia Dridi, salariée du Planning Familial en Rhône-Alpes, a permis d’inviter cette vingtaine de femmes journalistes, bloggeuses, juristes, militantes, artistes qui se battent dans leur pays dans des conditions difficiles. Mondialisation, indépendance de la justice, droits des femmes ou encore les artistes et l’engagement... Autant de thèmes débattus entre Vaulx-en-Velin, Villeurbanne et Lyon même. Mais il a aussi été question des nouveaux médias dans les révolutions arabes. Comment se sont-elles emparées de ces nouveaux outils ?
La salle Edith Piaf de Vaulx-en-Velin était comble ce lundi soir de septembre. Partagé entre une écoute respectueuse et le désir de poser des questions ou de témoigner, le public était enthousiaste … On parlait arabe et français, on s’exprimait ou l’on traduisait autant sur la tribune que dans la salle.
Le bénévolat, dernier moyen d’exercer son métier
Pour Zineb El Razhoui, journaliste et blogueuse marocaine, le blog n’a pas été un choix : « J’aurais préféré travailler comme journaliste mais mon journal a été mis sous scellées en janvier 2010, » raconte-t-elle pleine de fougue. Cette femme courageuse a co-fondé le MALI (Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles au Maroc) en 2009, « le premier groupe constitué sur la toile, via Facebook, au Maroc ». Membre du Mouvement du 20 février, elle n’hésite pas à dénoncer tant qu’elle le peut le régime marocain comme dictature. Ses positions lui ont valu des menaces de mort, une violente perquisition « officieuse » de la police chez elle et pour finir la fermeture du Journal hebdomadaire dans lequel elle travaillait. Pour Zineb, le blog reste « le dernier moyen de pouvoir exercer son métier de journaliste… Malheureusement de façon bénévole. ». Maria Moukrim, rédactrice en chef du journal francophone Al Ayam, est l’une des rares femmes à avoir un poste important dans le milieu journalistique. Pourtant, elle déplore que les médias traditionnels ne donnent pas de place aux femmes et préfèrent systématiquement interviewer les hommes : « Les médias alternatifs permettent aux femmes de jouer un rôle plus important ». Aïda Toula Sulieman, la rédactrice en chef palestinienne du quotidien "Al-Ittihad", estime que les femmes journalistes sont davantage encouragées à l’investigation plutôt qu’à l’analyse : « les nouveaux médias ont permis aux femmes d’écrire ce qu’elles souhaitaient ».
Le blog, substitut à la presse
Rien ne semblait destiner la blogueuse tunisienne Sara Ben Hamadi à faire du journalisme. Diplômée d’un Master en gestion touristique, cette jeune tunisienne est néanmoins rapidement devenue une lectrice de blogs. « Le déclic s’est fait en 2008, durant l’attaque israélienne à Gaza… » Elle crée son propre blog : « Il fallait que j’extériorise, que j’en parle, pas seulement à mes proches : au monde entier ! ». Sara se met alors à écrire sur la politique tunisienne. « En Tunisie, il y avait une telle censure que les blogs constituaient le seul espace de liberté. » Elle rejoint le groupe informel des blogueurs engagés : « A l’époque, il n’y avait pas Facebook mais un groupe de blogueurs avait décidé d’utiliser les blogs comme un espace de critique. C’était la naissance des blogs citoyens, on se substituait aux vrais journalistes, à la presse. » Sous Ben Ali, être blogueur était risqué… Sara raconte qu’en 2003 Zouhair Yahyaoui, surnommé « le martyr d’internet » avait été arrêté et torturé à cause de ses billets critiques sur Ben Ali. Il est mort suite aux maltraitances subies lors de son emprisonnement. Tout comme la blogueuse Fatma Arabica, arrêtée en 2009, Sara a eu des problèmes le jour où elle a participé à une « manifestation virtuelle » : « Nous avons publié une lettre destinée au Président Ben Ali intitulée « La censure nuit gravement à l’image de mon pays ». Cela a entraîné une nouvelle vague de censures et mon blog a été fermé. » Lorsque j’interroge Sara sur l’impossibilité réelle de visionner ces blogs, elle répond dans un sourire : « Le blog n’était pas accessible à partir de la Tunisie mais il suffisait de changer le proxis pour le visionner… La censure, on vivait avec et on a appris à la contourner. On avait différentes techniques. D’ailleurs on a donné des outils aux égyptiens pendant leur révolution…»
Bien que les nouveaux médias aient joué un rôle considérable dans les révolutions, les intervenantes sont d’accord pour dire que ce ne sont ni Facebook, ni Twitter, ni les blogs qui ont fait la révolution dans les pays arabes mais plutôt les luttes accumulées sur des années. Internet reste le dernier espace médiatique de liberté et les femmes, journalistes ou simples citoyennes ont su très vite se l’approprier. Les médias alternatifs restent des outils de résistance et de création. Mais ce qui fait leur force, la difficulté de contrôle, est à double tranchant : en Tunisie les contre-révolutionnaires se sont déjà emparés de cet outil.
Claire Malen
Femmes en Révolution : http://femmes-en-revolution.blogspot.com/
Blog de Sara Ben Hamadi : http://un-oeil-sur-la-planete.blogspot.com/
Blog de Zineb El Razhoui : http://zinebelrhazoui.wordpress.com ou http://voxmaroc.blog.lemonde.fr/
Bondy blog de Lyon : http://yahoo.lyon.bondyblog.fr