Y’a bon awards 2012 : Y’a bon, encore et toujours, être raciste en France

Le 27-03-2012
Par xadmin

Après quatre ans d’existence, la cérémonie des Y’a bon awards, qui s’est déroulée le 19 mars dernier au Cabaret sauvage à Paris, n’a rien perdu de sa force. Au contraire, l’actualité, tragique, rappelle toute l’importance de ce type d’initiative qui tend à combattre ce poison qui contamine la société française, le racisme. Par l’humour toujours. 

Ils avaient espéré ne pas se retrouver cette année. Au lieu de cela, ils ont même dû avancer la soirée de trois mois pour cause de calendrier électoral. Une manifestation organisée par l’association de lutte contre le racisme et les préjugés, les Indivisibles, au cours de laquelle les star du PAF, auteures des petites phrases « à caractère xénophobe, raciste ou colonialiste français » les plus mémorables sont récompensées par un « Y’a bon award », en l’occurrence une banane d’or. C’est d’ailleurs la même, signée du plasticien Alexis Peskine, qui tourne depuis quatre ans. Les récompensés n’étant jamais venu recevoir leur prix. Et pour cette édition, là encore, et sans surprise, aucun des nominés n’a accepté l’invitation. Pas plus que les élus, en dehors de quelques habitués : Benoît Hamon, Hamou Bouakkaz, Jérôme Guedj  (pour le Ps), Karima Delli (EELV) ou Clémentine Autain (Front de Gauche). Une marche était organisée au même moment place de la République à Paris en hommage aux victimes du « tueur au scooter », et sans doute tous les personnalités absentes y étaient-elles.

« Si l’on a choisi de combattre le racisme par l’humour, le racisme ne nous a jamais fait rire. »

Car ce que les organisateurs n’avaient pas prévu, c’est que cette actualité donnerait un écho particulier à leur rendez-vous annuel.De quoi rappeler l’importance du combat que livrent les Indivisibles depuis leur création, à la suite de l’élection présidentielle de 2007 et de ses nombreux « dérapages », à savoir déconstruire les préjugés qui circulent dans la sphère politico-médiatique et qui nourrissent le racisme, la stigmatisation, le repli sur soi. Ce justement pourquoi la soirée a été maintenue alors que des voix se seraient faites entendre pour la reporter. « Si l’on a choisi de combattre le racisme par l’humour, le racisme ne nous a jamais fait rire, a rappelé Gilles Sokoudjou, président des Indivisibles, dans son discours d’introduction. Les Y’a bon awards sont l’occasion de mettre ces élites politiques, médiatiques face à leur responsabilité. »

Ecoutez ici l'interview de Pauline Dumontier, secrétaire générale des Indivisibles 

Retour à un racisme de base

L’occasion également de faire le bilan d’un quinquennat d’existence des Indivisibles. Force est de constater que beaucoup reste à faire. « Cinq ans après, on a l’impression qu’on est passé à un cran au dessus, observe Pauline Dumontier, secrétaire générale des Indivisibles, du racisme ordinaire on est revenu à un racisme de base. En tant que militante, je peux vous dire que ses cinq dernières années ont été un cauchemar ! Même si l’association s’est développée, il y a eu une lepénisation du discours collectif du gouvernement. Dans une Europe en crise, ce n’est pas nouveau, on cherche des boucs émissaires pour faire diversion. » Et la jeune femme de rappeler que les Indivisibles ont édité un petit guide pratique du raciste, outil indispensable pour les candidats à l’élection présidentielle, dans lequel de précieux conseils sont prodigués pour trouver le bouc émissaire idéal, faire passer des propos clairement xénophobes « en petits dérapages », trouver les bons relais médiatiques pour faire le buzz. « On a acquis une certaine expérience dans le domaine, vous pouvez faire appel à nous ! » 

Ecoutez ici l'interview de Florence Aubenas, journaliste et membre du jury des Y'a Bon Awards.

Christophe Barbier, Caroline Fourest, Françoise Laborde nominés

Après ce moment de gravité retour donc à l’humour, noir, ou jaune, c’est selon, à l’ironie, au sarcasme et à la dérision, les armes de choc des Indivisibles. Et histoire de mettre tous les convives dans le bain, le teaser des Ya bon 2012, « Bref je suis raciste » est projeté. Un carton. Tout au long de la soirée, d’autres vidéos, dans le même esprit, seront diffusées. Des petits bijoux signés d’une jeune société de production, « Plus l’infini », et mettant en scène Raphäl Yem, l’animateur de la soirée, la chanteuse China Moses, chroniqueuse sur Canal +, Enora Malagré la grande gueule de l’émission Touche pas à mon poste, le jeune humoriste Stephane Bak, Fred Royer (initiateur des Gérard du cinéma), ou encore le très sérieux Almamy Kanouté, leader de la liste Émergence. Chacun en position de flagrant délit de racisme. Tel est le message principal de la soirée. Chacun d’entre nous est un raciste potentiel.

Ecoutez ici l'interview de Frédéric Martel, membre du jury des Y'a Bons Awards et auteur de « Mainstream, Enquête sur la guerre globale de la culture et des médias », paru chez Flammarion.

 Les préjugés ne sont pas l’apanage des têtes d’affiche de l’UMP. Même si ces derniers semblent se bousculer pour arriver sur la première marche du podium. Le parti du chef de l’Etat va d’ailleurs se voir décerner un prix spécial, sportivement intitulé « C’est beau l’esprit d’équipe », grâce aux efforts conjugués de Nadine Morano, Brice Hortefeux, Valérie Pécresse, Claude Guéant and co et leurs pépites verbales à l’adresse des musulmans, des noirs, des Roms … et pour leurs cinq années de bons et loyaux services au gouvernement. 

Ecoutez ici l'interview de Faïza Guène, membre du jury des Y'a Bons Awards et auteur de « Kiffe, kiffe demain », paru chez Hachette.

Réponse de Caroline Fourest : « Un jury dangereux »

Cinq prix au total ont été décernés cette année, moins que les années précédentes. La soirée a été allégée pour être rendue plus digeste. Lors des éditions précédentes, on avait pu observer, à mesure des projections des « dérapages » les plus éloquents, que les rires laissaient la place à l’écœurement, au silence, à la crispation. Cette année, les organisateurs ont décidé de faire plus court. Mais avec du lourd tout de même. Telles les déclarations de l’écrivain, Richard Millet : « Je prends quotidiennement le RER, pour moi, la station Châtelet-les-Halles à six heures du soir c'est le cauchemar absolu, surtout quand je suis le seul Blanc. Est-ce que j'ai le droit de dire ça ou pas ? […] J’ai une douleur, je ne me reconnais plus. Je ne supporte pas les mosquées en France, je le dis, je ne peux pas voir ça en peinture. » Des propos qui lui ont valu de remporter haut la main le prix « 50 minutes Inside la tête d’un people qui aurait mieux fait de se taire ». Christophe Barbier également, un habitué des Y’a bon, et Sylvie Pierre-Brossolette, journaliste au Point, ont eux remporté, à ex-æquo, le prix « Enquête exclusive, en partenariat avec le journal Minute ». L’opposition n’a pas été oubliée pour autant avec le prix « l’opposition qui ne s’oppose pas vraiment, en fait … » décerné à Françoise Laborde, sénatrice du Parti radical de gauche, pour son coming out mémorable. (« Et j'ai bien compris que j'inquiétais, que je perturbais et que j'étais une islamophobe. Bon ben voilà, et j'assume »).

L’impossible examen de conscience du PAF 

Enfin, le prix des  « Les Experts Chronikers a été décerné à l’incontournable Caroline Fourest, à propos d’une diatribe sur « des associations qui demandent des gymnases pour organiser des tournois de basket réservés aux femmes voilées, pour en plus lever des fonds pour le Hamas. » Cette dernière, si elle n’était pas présente pour recevoir sa banane d’or, n’en a pas moins réagit avec véhémence sur son blog.  Dans une tribune intitulée « Les “Y’a bon Awards” déshonorent l’antiracisme », elle s’en prend en premier lieu à la fondatrice des Indivisibles, Rokhaya Diallo, puis à l’association elle-même. « Le vrai visage des Indivisibles est donc dévoilé, depuis longtemps. Mais la dernière moisson de prix le confirme. ( …) Je pourrais prendre ça à la légère et me contenter d’en rire. Mais ces gens-là, toujours les mêmes (les réseaux indigeno-ramadano-bonifaciens), ne me font plus rire. Leurs amalgames sont dégueulasses et dangereux. » Référence au jury, composé de personnalités ô combien dangereuses : la journaliste Florence Aubenas, les sociologues Jean Baubérot et Nacira Guénif-Souilamas, les journalistes Abdelkrim Branine, Sébastien Fontenelle, la romancière Faïza Guène, l’historien Olivier Le Cour Grandmaison, les comédiens Jalil Lespert et Aissa Maïga ou encore les rappeurs Mokobé et Youssoupha… « Je vais donc porter plainte, poursuit Caroline Fourest. Contre l’association et les membres de ce jury. Pour diffamation et injure voire pour incitation à la haine. » C’est peut être là la limite du concept des Y’a bon : formidable outil de déconstruction des préjugés, mais dont la portée, et on ne peut que le regretter, s’arrête devant l’incapacité des médias et politiques à procéder à un examen de conscience sur les préjugés qu’ils peuvent véhiculer. 

Ecoutez ici l'interview de Clémentine Autain, porte-parole du Front de Gauche.

 
Dounia Ben Mohamed (Texte)
Chloé Juhel (Son interviews)
CH Célinain (vidéo)

Visionnez ici les réactions d'Axiom (Rappeur engagé), Ahmed El Keiy (Journalistes France O) et Mokobé (Rappeur engagé) :

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