Une plume contre les clichés

Le 12-10-2009
Par xadmin

En trente ans de terrain, Robert Marmoz, 57 ans, a eu tout le loisir d’aiguiser son oeil sur les banlieues lyonnaises.
« Étant moi-même issu de ces quartiers, j’ai toujours été sensible au sujet », annonce d’emblée le correspondant du Nouvel Observateur à Lyon depuis 1997, passé par Le Progrès et la rédaction en chef de Libération Lyon. Malgré ce curriculum vitae éloquent, le natif de Givors ne se considère pas comme une curiosité dans le métier : « Beaucoup de journalistes comprennent que la banlieue est un enjeu social et culturel, traducteur de crise». Avec un bémol toutefois : « La tendance de certains à n’en parler que sous l’angle de la montée de l’islamisme, avec une prédisposition pour le trait forcé. »
Cette focalisation le dérange d’autant plus qu’avant 1995, banlieue et religion n’étaient pas des thèmes liés. « Mais la vague d’attentats en France a mis en lumière la tentation terroriste qui agite une partie de la jeunesse, explique-t-il. L’islamisme est devenu un paravent facile de la misère économique. »
Pourtant, « il y avait eu un véritable tournant dans le traitement des banlieues en 1983, se remémore-t-il. La première émeute d’envergure, le 6 mars aux Minguettes, a changé le regard des journalistes. Jusque-là, la presse locale reprenait exclusivement la version policière des incidents. Mais les grands médias nationaux, notamment Libération et Le Monde, ont imposé une nouvelle façon de travailler ».
Lui-même s’installe alors dans la ZUP de Vaulx-en-Velin pour élargir le champ de ses sources. « On regardait ce qui se passait, on parlait à la police, mais on restait aussi dans les quartiers pour parler avec les gens. Cela nous a permis de faire remonter les vexations quotidiennes, les difficultés de la vie et les rapports tendus entre les jeunes et la police. »

Journal référence de l’époque, Libération imprime une nouvelle dynamique. Les reportages sur place se mêlent aux discours officiels pour offrir un panorama plus contrasté de la banlieue. « Dans les rédactions françaises, on lisait Libération en se disant qu’il y avait quelque chose de nouveau à creuser sur la question, Même les télés s’y sont mises », se félicite aujourd’hui Marmoz. La Marche contre le racisme et pour l’égalité sera le point culminant de ce regard en mouvement. « L’arrivée de 100 000 personnes, le 3 décembre 1983 à Paris, a fait naître un espoir dans tout le pays. Préfigurant 1998, Libération a pour la première fois parlé d’une France “black, blanc, beur“. »

Une véritable politique de la Ville se met alors en place, mais la situation économique ne s’améliore pas. « Le fond de défiance envers les jeunes et la persistance du racisme n’ont pas permis au rêve de résister à la réalité «, déplore Marmoz, qui situe au début des années 1990 la phase d’instrumentalisation des violences en banlieue. Avec, pour apogée, la campagne présidentielle de 2002. « Comme à chaque fois qu’elle est en difficulté, la droite a tout misé sur le laxisme de la gauche, avec la complicité de grands médias comme TF1. Le terme “banlieue“ a été remplacé par “insécurité“. Tout a été mis au même plan. La course à l’audimat et le cynisme politique forment un alliage solide... » Que Robert Marmoz tente de fissurer à coups de plume.
 

Sylvain Coullon / Ressources Urbaines

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