
Une oasis sous le périph !

Oasis boulevard, un petit film documentaire offre un regard bien loin des clichés sur les jeunes dans les quartiers (ici, la Porte de Bagnolet, à la périphérie de Paris). La sécurité c’est aussi ça : améliorer le vivre ensemble grâce à un travail de terrain.
Filmer un quartier populaire de l'intérieur. Jérôme Sitruk, appuyé de Jorge Arteaga, se sont prêtés au jeu. En 2009, leur premier documentaire, Oasis boulevard, voit le jour. A 32 ans, Jérôme Sitruk, responsable de projet dans une association du quartier Saint-Blaise (Paris, 20ème arrondissement), conjugue sa vocation de travailleur social à son goût pour l'audiovisuel. "Je suis responsable de projet au sein de l'association Plus loin. En tant que structure de proximité, notre mission consiste à créer du lien social avec les habitants à travers des activités de loisirs éducatifs, culturels ou sportifs", explique-t-il. Salarié de l'association depuis onze ans, Jérôme Sitruk s'investit très vite dans différents dispositifs liés à l'image. En étroite relation avec la délégation à la politique de la ville et à l'intégration (DPVI) de la ville de Paris, Jérôme Sitruk répond à un appel à projets lancé par la collectivité. "Nous avons répondu à cet appel à projets à savoir réaliser une série de documentaire autour du GPU, grand projet de renouvellement urbain du territoire qui va de la Porte des Lilas à la Porte de Vincennes", résume l'éducateur, la voix pleine de conviction.
former les habitants de ces territoires aux techniques audiovisuelles.
Filmer la rénovation
Entre transformations de fond et installation du tramway, la ville de Paris entend bien donner un petit côté « participatif » à ces grands travaux. "La DPVI a pour ambition de filmer ces quartiers prioritaires de la politique de la ville de l'intérieur", souligne-t-il. Parmi les attentes de cette démarche, " former les habitants de ces territoires aux techniques audiovisuelles." Une façon, pas vraiment inédite d'associer les habitants à la vie de leur quartier, mais ô combien mobilisatrice. A voir le nombre de documentaires réalisés depuis le lancement de l'opération, difficile de nier le vif intérêt des principaux concernés. Au total une vingtaine de supports ont vu le jour. Jérôme Sitruk travaille d'ailleurs sur son quatrième opus. Rencontre à Davout en 2008, Oasis boulevard en 2009 puis Mariama et enfin Sekou le magicien, Jérôme Sitruk a comme qui dirait trouvé sa voie. Il faut dire que le travailleur social est bien entouré. "La DPVI a fait appel aux ateliers Varan, une école de cinéma direct co-fondée en 1981 par Jean Rouch", précise-t-il. Varan monte alors le projet, rencontre les candidats susceptibles de prendre la caméra et participer au projet. Le projet emporte l'adhésion. Jeunes, adultes ou familles, le profil socio-culturel des participants est varié, à l'image de ces quartiers.
on a tissé un vrai climat de confiance avec les habitants
Filmer pour mieux vivre ensemble ?
Pas étonnant que l'association où officie Jérôme Sitruk attire les foules… du quartier. "Notre structure a connu peu de turn over. Du coup, on a tissé un vrai climat de confiance avec les habitants", analyse-t-il. Oasis boulevard, comme la vingtaine de films réalisés par les gens du quartier, d'ailleurs, est le fruit des liens noués par les différents acteurs du projet. Qu'ils soient issus du monde associatif, institutionnel ou même simple locataire des immeubles du quartier. "A ce titre, notre association joue le rôle d'intermédiaire entre les pouvoirs publics et les habitants", poursuit Jérôme Sitruk. Une posture qui explique l'accueil que les jeunes "acteurs" improvisés d'Oasis Boulevard ont réservé au documentaire : "Ils en ont été ravis."
montrer ces jeunes tels que je les connais
Journaliste et acteur social
Comme souvent, les quartiers savent faire preuve d'inspiration. Oasis boulevard en est une preuve. Dans la lignée du premier documentaire, Rencontres à Davout, dont l'action se situait sur ce boulevard du 20e arrondissement de Paris, Oasis boulevard suit "les joutes nocturnes" de jeunes que Jérôme Sitruk connaît bien. "Pendant le mois du ramadan, j'ai filmé les discussions des jeunes de Saint Blaise après la rupture du jeûne." Comme le premier film, l'action se déroule boulevard Davout, face au TPE, terrain d'éducation physique. Un lieu loin d'être anodin. "Le TPE est le centre névralgique de notre association. Elle est gestionnaire de ce terrain le mercredi et durant les vacances scolaires. Plus Loin a développé une palette d'actions sur ce terrain : tournois de foot, ateliers de musique, jeux de société, repas partagé entre les habitants…", résume Jérôme Sitruk. Et l'éducateur de poursuivre, "avec Oasis boulevard, j'ai voulu approfondir mon premier travail. Ce qui m'intéressait c'était de montrer ces jeunes tels que je les connais."
Jérôme Sitruk connaît ces jeunes depuis leur plus tendre enfance
Vivre et travailler dans la cité
Complètement intégré au milieu -il habite par ailleurs l'arrondissement-, Jérôme Sitruk connaît ces jeunes depuis leur plus tendre enfance. Une porte d'entrée imparable pour filmer la réalité des quartiers. "Les jeunes en question se sont prêtés au jeu sans problème." Pas étonnant, l'animateur a tissé des liens de confiance solide avec eux. Agés entre 17 et 21 ans, les protagonistes d'Oasis boulevard laissent entrevoir une vision rare des quartiers, à l'opposé des images préconçues véhiculées par les médias mainstream. "Deux des jeunes étaient en Master, l'un en train de passer le Bac, notamment", se souvient le réalisateur. Des parcours qui tranchent avec l'image négative accolée aux quartiers populaires. "D'ailleurs, lors d'une récente projection du film, une dame m'a dit que j'avais choisi des jeunes privilégiés", note-t-il amusé. Or, la plupart des protagonistes viennent de milieux ouvriers.
« Les jeunes ne se sont pas sentis trahis »
Du côté des financeurs, les réactions à ce travail sont unanimes. "Tout comme les jeunes filmés qui ne sont pas sentis trahis, les pouvoirs publics ont apprécié ce travail." Véritable outil qui leur permet, à coup sûr, d'entrevoir une réalité qui leur échappe. Quand on sait l'incapacité des acteurs publics à dépasser les difficultés des quartiers, nul doute que cette "micro action" est un support précieux pour inverser les clichés. Mais comme le souligne Jérôme Sitruk, spécialiste du terrain, "l'une des solution reste la mixité sociale." Un principe qu'il a introduit dans son travail quotidien. "On a lancé des cours d'aquagym et des séances d'apprentissage de la nage pour les mamans du quartiers. Des ateliers qui permettent un vrai brassage social. Dans un bassin, il n'y a plus de représentation vestimentaire. Ni tailleur BCBG, ni boubou…"
Nadia Henni-Moulaï
http://www.ateliersvaran.com/spip.php?article25