
R.I.P. la Halde : l’égalité contre la diversité

Pas de chance ! Deux mois après que Eric Zemmour a été invité par le groupe UMP à l’Assemblée Nationale suite à sa condamnation pour provocation à la discrimination raciale… la HALDE disparaissait officiellement des écrans radars de la République, le 1er mai 2011. Ou plutôt, elle était fusionnée dans un conglomérat opaque aux pouvoirs flous et aux contours incertains sous l’autorité d’un Défenseur des droits dont on imagine la charge herculéenne.
Pas de chance, vraiment ! Cet enterrement sans tambour ni trompette s’est opéré dans l’indifférence la plus totale, au moment où il est devenu de bon ton de « lever les tabous » contre les jeunes délinquants Noirs, contre les musulmans, mères de familles voilées ou maris polygames bien entendu, contre les banlieues, contre les sportifs Noirs ou Arabes, autant d’exercices où le Ministre de l’Intérieur lui-même donne le là en la matière, prenant dignement le relais d’un Brice Hortefeux dont on pensait qu’il n’aurait pas de maître.
Cette disparition honteuse est le signe de la faible implantation de l’organisme dans une société civile toujours aussi anémiée dans sa lutte contre les discriminations, et où la color blindness demeure un fait établi. Elle est aussi un signe de l’invisibilité de cet organisme indispensable, affaibli faute de soutiens et fragilisé car s’attaquant à un monde de la grande entreprise absolument intouchable en France. Inattaquable économiquement (évasion fiscale inattaquable, bonus inattaquables, paradis fiscaux inattaquables, libre-échange inattaquable, et pour couronner le tout volonté présidentielle de dépénaliser le droit des affaires…) et au-dessus de tout soupçon moralement au moment où les concepts de « gouvernance » et de « responsabilité sociale » font florès… comme écrans de fumée pour masquer des pratiques de plus en plus irresponsables.
Autre signe de la faiblesse de la Halde : l’incapacité à y nommer une personnalité jouissant d’une certaine notoriété pour l’incarner. Se sont succédés Louis Schweitzer, grand commis de l’Etat et grand patron. Puis Jeannette Bougrab, pour quelques mois, qui fut à l’aune de Rachida Dati ou de Fadela Amara, une femme manipulée par un pouvoir cynique. Puis Eric Molinier, symbole du handicap. Symbole aussi que les discriminations raciales massives qui sont en train de faire dérailler la société, ne peuvent pas être humainement incarnées y compris à la tête de l’autorité en charge de les combattre, et doivent même se confondre dans un organisme où domine une acceptation de plus en plus molle du concept républicain d’égalité. La laïcité est de plus en plus souvent utilisée, dévoyée, contre la diversité. Ici et maintenant, c’est au tour de l’égalité de noyer la diversité. Comment mieux saper les fondements de la République dans les quartiers ?
Comment ne pas se pencher sur les multiples recommandations qui fusent de toutes parts pour enfin renforcer la pénalisation des discriminations raciales ? Pour enfin reconnaître (comme la Halde l’a elle-même récemment suggéré) dans le code pénal les discriminations territoriales ? Pour enfin proposer que soit délivré à toute personne se faisant contrôler dans la rue un P.V ou un récépissé, comme le réclament AC ! Lefeu, SOS Racisme ou plus récemment le Pacte des Générations ? Pourquoi ne pas nommer dans chaque mairie des référents « discriminations », comme il existe en Grande-Bretagne de tels postes et fonctions dans les commissariats ?
Le mal est là, et on refuse de le voir. On enterre le thermomètre, mais la chaleur augmente.
Et pourtant, cette question rejaillit même si on refuse de la voir, toujours de manière indirecte. La laïcité nous interdirait prétendument d’aider au financement de lieux de culte pour les musulmans ? On parle des mosquées dans les rues. On refuse de fait l’accès des fonctions politiques aux français de couleur ? On se plaint de leur trop grand nombre dans les équipes de foot. La question des quotas (qui n’a jamais été réclamée par qui que ce soit), ou même des statistiques dites « ethniques » est taboue quand elle est portée par les minorités ? Elle est utilisée maintenant comme nouvelle arme contre les minorités dans des débats au sein des instances sportives, débats beaucoup plus tendus alors qu’on dénonce l’équipe de France Black-Black-Black laborieuse de 2010, là où en 1998 on célébrait la France Black-Blanc-Beur victorieuse.
Un symptôme délirant est en train de voir le jour sur ces questions. Ce symptôme, au sens médical, voire psychiatrique, est le témoignage d’un problème évident qu’on refuse de voir et de nommer : celui de l’absence des français de couleur dans les sphères décisionnelles du pays, et leur sur-représentation dans les quartiers populaires marginalisés. Un symptôme qu’on refuse de voir et de nommer doit surgir d’une manière ou d’une autre, parfois comme un prurit. Une émeute ? A trop vouloir le refouler, le corps qui le porte ne peut que tomber gravement malade.
Erwan Ruty
Lire aussi, dans Saphir News, l’article sur la disparition de la Halde :
http://www.saphirnews.com/La-HALDE-a-signe-son-acte-de-deces_a12540.html