Rap indépendant... entre buzz internet et proximité - Projecteur

Le 28-10-2010
Par xadmin

«Underground» dans les années 90, «rap de rue» au début des années 2000, le rap indépendant a profité de l’arrivée massive du net dans les quartiers populaires. Aujourd’hui, il y en a pour tous les goûts dans le rap indé, et l’offre est pléthorique. Alors pour déclencher le Buzz, il faut trouver son créneau, sa case marketing... Quitte à faire de la surenchère.

Al K.Pote alias Serge Gainsbeur, rivalise d’insultes et d’humour trivial, comme l’invention du verbe «désanuser». Alpha 5-20, qui a ramené le côté gangster blédard, «vendrait du crack à ta mère enceinte», et Morsay, avec son bagout de vendeur des puces, clash la terre entière en vidéo : «clique S`````, clique»... Mais le phénomène du moment chez les 15-25 ans, c’est Mr You, de Belleville (75). Condamné à 6 ans de prison en 2007, il prend la fuite, et ponctue sa cavale d’interviews et de freestyles vidéos. Un plan promo qui marche tellement bien qu’il finit à la Santé, et que sur facebook de nombreux pseudos, y compris féminins, se «Yougatagisent». «Ils rappent pour protester, tandis que nous on s’amuse», ce crédo dilettante et la simplicité du personnage lui permettent aujourd’hui de passer sur Skyrock, en toute indépendance.
Excellents en vidéo et très appréciés des «petits», ces artistes sont parfois décriés par les puristes plus âgés. D’autres MC’s réussissent mieux le crossover générationnel. Despo Rutti a choisi de briser les tabous, il choque mais pour faire réfléchir : «j’aimerais être rebeu, juste pour faire plus peur que pitié». Médine, de son côté, arrive à vendre 20 000 disques, presque sans passage radio, mais avec un «code barbe» et une plume d’écrivain. Quant à Fik’s & P.Kaer (les Ulis - 91), avec des phases comme : « Normal 0 21 false false false FR X-NONE X-NONE MicrosoftInternetExplorer4 Dis toi que ta mère elle a déjà percer en lavant le sol, et que ton père il a déjà percer en passant la frontière», ils pourraient même toucher la première génération. «En général, les jeunes retiennent nos refrains et nos punchlines, tandis que les adultes sont plutôt marqués par nos couplets» explique Fik’s. Le duo milite au FSQP, et était présent sur des listes indépendantes aux élections municipales et régionales. Paradoxalement, cet engagement intéresse parfois plus les médias généralistes que la presse Rap.

Radikal, Get Busy, L’Affiche, c’est fini... Ces magazines qui respectaient le hip-hop comme culture se sont presque tous écroulés. La faute à l’immédiateté d’internet, et à la crise des maisons de disques qui n’achètent plus de pages de pub. Aujourd’hui la majorité des titres sont orientés «Starclub», Poster Géant, etc... En revanche, les sites foisonnent. Le numéro 1, c’est Booska-P ( plus de 100 000 visiteurs par mois) très critiqué par les indés pour sa démarche trop commerciale. Tout le contraire de N-Da-Hood, animé par Tonton Marcel et son style inimitable (il est capable de faire des plans séquences de trois quart d’heure), qui donne sa chance à presque à tout le monde. Quant au Banlieuzart.com, il privilégie des montages de moins de cinq minutes, et s’adresse plutôt aux anciens.

Côté institution, les réseaux «musiques actuelles», créés par les rockeurs alternatifs des années 80, n’ont pas su s’adapter au rap. Fik’s, qui a travaillé dans une salle de concerts, déplore le manque de connaissance, et parfois le manque de respect pour la culture rap. Passé le stade des premières maquettes, la plupart des groupes délaissent les lieux subventionnés pour enregistrer dans des studios indépendants. Pour le même prix, environ 200 euros la journée, on les conseillera efficacement et ils pourront peut-être y connecter de prestigieux featurings.
Pour les concerts c’est pareil, rares sont les programmateurs à jouer la carte du«rap game», les évènements de qualité sont le fait d’associations, parfois en partenariat avec les services jeunesses, mais jamais avec les services culturels. Avec l’ambiance qui règne sur ces plateaux réunissant artistes locaux et stars du ghetto (La Comera, Seth Gueko, Salif, LMC Click, etc...) on peut se rendre compte du décalage entre la popularité d’un artiste et ses ventes de disques. Ces mecs viennent souvent pour un simple défraiement, ils filent un coup de main à une assoce ou pour une cause, et ça leur fait de la promo. Les tournées sont l’occasion de rencontres avec les jeunes du coin, de débats, d’ateliers d’écritures, etc... Le quartier aime et respecte les artistes accessibles, mais aura un a priori négatif sur ceux qui «se la racontent». «On vend à chaque sortie entre 1000 et 3000 CD. Avec le téléchargement, quand les gens achètent un disque, c’est vraiment pour soutenir un artiste, le côté affectif joue beaucoup», ajoute Fik’s.

On retrouve la même logique de proximité à Clignancourt depuis que le Ghetto Fabulous Gang a popularisé un nouveau modèle économique: le consommateur achète directement son disque à l’artiste. «Sur un disque à 10 euros, on gagne 9,50 euros», exagère à peine Morsay. Avec son groupe Truand de la Galère (Persant - 95), ils ont pris la relève du concept. Aux puces, les jeunes artistes qui galèrent passent demander qu’on leur donne leur chance. T2G offre le studio, et quatre ou cinq exemplaires de la compilation où figurera le morceau des novices, des titres évocateurs tels que «Ambiance Thug et Ghetto» ou «Cli-Cli notre plaque tournante». Et comme l’équipe a le sens du marketing, «pour 25 euros, tu as le CD + le T-shirt du groupe», de Bordeaux à Nice en passant par Lausanne, tout ça grâce au réseau des marchés. Morsay revendique avoir vendu plus de 300 000 albums et compilations en moins de 10 ans. La démarche du groupe ne se traduit pas forcément par un grand respect artistique, mais la plupart des gens leur reconnaissent le mérite de s’être faits tout seuls, à force de travail, sans l’aide de personne... L’indépendance quoi.

Vinz/ Projecteur
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fiks du groupe Fiks et Pkear

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Morsay devant son magazin aux puces de Clignancourt

 

Participez à la réunion de rédaction ! Abonnez-vous pour recevoir nos éditions, participer aux choix des prochains dossiers, commenter, partager,...