Olivier Meneux : « Il faudra lancer le projet de Villa Médicis avant que les murs n’existent »

Olivier Meneux
Le 24-08-2015
Par Erwan Ruty

Chargé de suivi du projet de Villa Médicis à Clichy-sous-bois, Olivier Meneux est impatient de déménager de son bureau exigu de la rue de Valois pour aller s’installer à Clichy et mener à bien en direct, ce projet aussi ambitieux… que chimérique, diront les mauvaises langues qui ont les yeux rivés sur le financement actuel de la culture dans les banlieues.

 

P&C : Faudrait-il d’après vous dédier des formes d’art spécifiques à la Villa Médicis ?
O. M. :
Accoler une marque aussi prestigieuse que la Villa Médicis de Rome à des territoires vus comme abandonnés reste audacieux. Mais y associer des formes culturelles spécifiques, je m’en méfie. A l’origine, c’est surtout un projet extérieur, et les banlieues doivent y être mêlées avec générosité. On travaille sur la rencontre. Avec les écoles de la deuxième chance, les prépas aux écoles d’art, les universités populaires… Cela devra être un lieu vivant. A Rome, on est plutôt dans la recherche fondamentale. On s’y recueille, on se coupe du monde. Ici, on n’aura pas des artistes en chambre, il faudra penser les projets avec les habitants. La production pourrait rayonner sur toute la métropole et nourrir l’ensemble du développement du grand Paris. Mais on veut surtout que ce projet soit un outil de désenclavement des esprits locaux, ainsi que de changement de la manière de voir Clichy et Montfermeil. Mais il faut d’abord créer les conditions de faisabilité avant de penser aux formes d’art qui y seraient invitées.
 

P&C : Justement, quelles sont ces conditions ?
O. M. :
Les conditions matérielles et économiques. L’environnement a beaucoup bougé avec le Grand Paris express. C’est un accélérateur fort, qui permet le désenclavement. Les portes de Paris vont se déplacer, c’est aussi important que ce qu’a été l’arrivée du métro en 1900… En terme de foncier, de bâti aussi a beaucoup évolué : la rénovation urbaine est passée par là. Mais il faudra lancer ce projet avant que les murs n’existent. En programmant deux, trois ou quatre saisons culturelles d’avance. Il y aura sans doute une montée en puissance avec une présence artistique, parce qu’avant que le métro n’arrive, on ne peut pas imaginer 9 ans sans rien. Restent à définir la stratégie et les grands axes du projet. Mais il y a un seuil d’irréversibilité, on y est presque.
 

P&C : Ce projet paraît pharaonique compte tenu des moyens habituels de la politique culturelle française dans ces quartiers… L’argent du mécénat sera sollicité ?
O. M. :
Justement, c’est un projet atypique, c’est pour ça qu’il continue à irriguer les désirs. Cela pourrait incarner le renouveau des politiques culturelles dans certains endroits, c’est ce que veulent Fleur Pellerin et Myriam El Khomri. Il ne faut pas que l’hypothèse du mécénat soit comme un fantasme. Ce n’est pas la seule.
 

P&C : Le plus dur, au-delà des intentions, dans les quartiers, est souvent de créer une dynamique avec les habitants. Comment y parviendrez-vous ?
O. M. :
Le lieu doit appartenir à la cité, comme au Mucem de Marseille. On doit pouvoir venir y prendre un café, y rencontrer des associations. Voir Paris depuis les terrasses. Travailler sur la langue. Clichy, c’est Babel. Il y aura des expositions, des studios d’enregistrement et de production. Cela devrait être comme une maison des cultures pour renouer avec les valeurs de l’éducation populaire. Même si aujourd’hui l’accès à la culture se fait selon des modes nouveaux : plus individualisé, nomade… Il faudra donc des médiateurs qui sont de là où l’on vit pour accompagner le public.
 

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