
Marc Ratsimba : « La Villa Médicis à Clichy, un enjeu de développement culturel endogène »

Marc Ratsimba est directeur général adjoint chargé du renouvellement urbain à la Mairie de Clichy-sous-bois. Une charge écrasante quand on sait que cette ville accueille le projet de rénovation urbaine le plus important de France. Il est aussi le nouveau président de Profession Banlieues, centre de ressources de la politique de la ville. Pour lui, il faut surtout un développement culturel local.
P&C : A quoi était utilisée la « Tour Utrillo » qui a un temps été vue comme devant accueillir la Villa Médicis par Frédéric Mitterrand ? Elle reste très présente dans les souvenirs des habitants…
M. R. : C’est parce qu’il y avait une maison des services publics ! Avec environ 25 structures : surtout la Sécurité sociale, la Caisse des allocations familiales, des bureaux municipaux, la sous-Préfecture, et même des entreprise privées comme Véolia. Mais avant encore, il y avait des ateliers textile, dans des appartements ! Eux-mêmes étaient avant dans divers appartements des Bosquets [cité sur le territoire mitoyen de Montfermeil, Ndlr], de manière plus ou moins officielle ! C’étaient des sous-traitants du Sentier, des très petites entreprises... Ils existent toujours et ont été relocalisés à cent mètres de là ! De même que les services publics. La tour est fermée depuis 2013. L’architecture n’était pas remarquable, et très dégradée. Mais dans les années 90, alors que Bernard Tapie était ministre de la Ville, il voulait en faire un lieu emblématique de la politique de la ville locale. Il voulait y construire une sorte de « maison des citoyens ». Elle est d’ailleurs encore surnommée par certains « la Tour Tapie » !
P&C : Comment un tel bâtiment peut-il donc accueillir la future Villa Médicis ?!
M. R. : C’était un lieu très fréquenté, très parlant pour les habitants, pour toutes ces raisons. C’était très bien que Frédéric Mitterrand s’y intéresse. Mais les mairies de Clichy et Montfermeil n’étaient pas « hyper fans » de cette idée… C’est un bâtiment des années 70, pas facile à aménager pour accueillir un lieu de culture.
P&C : Il existe déjà une vie culturelle locale, ne serait-ce que municipale, mais aussi hors des radars, une culture urbaine, non ?
M. R. : Oui, il y a notamment « l’Espace 93 ». La Drac [Direction régionale des affaires culturelles, représentant local du ministère de la Culture, Ndlr] voulait une complémentarité avec ce qui existe déjà. Elle voulait aussi garder la tour, mais avec des résidences d’artistes nationaux et internationaux. Ce projet de Villa Médicis ne pourra pas être comme celui de Rome. Ici, l’enjeu est de donner une autre image que celle des émeutes ou de la rénovation urbaine. Il y a unanimité sur l’aspect « local » de ce projet. Il faut que ce soit une « greffe » réussie avec le quartier, le territoire. Un travail entre les artistes locaux et ceux de la Villa pour qu’ils interviennent les uns chez les autres. Et avec les lycéens, les étudiants, les associations culturelles locales, femmes relais et associations d’alphabétisation... celles qui déjà amènent les « mamans » du quartier au Louvre. Un travail avec un cabinet d’urbanisme avait eu lieu, qui pointait la nécessité de beaucoup travailler avec les acteurs locaux, avec un dialogue sur ce qui manquait au territoire : l’éveil musical et les arts graphiques notamment. Il pourrait y avoir un projet d’équipement de formation lié aux métiers de la culture, y compris internationale, et une école de la deuxième chance axée sur la culture.
P&C : Quand ce projet verra-t-il le jour ? La tour pourrait-elle finalement être détruite, et au profit de quoi ?
M. R. : Le projet verra le jour quand la mise en service de la ligne 16 aura lieu, vers 2023… Le projet de gare est en train d’être dessiné. Il n’y a pas de retard a priori… Et si la tour est finalement détruite, on a le temps de construire un bâtiment neuf avant que le métro n’arrive. Mais la question est de savoir avec quel financement... Le mécénat, ok, mais encore ?! Quelle est la faisabilité financière de ce lieu ?
P&C : L’enjeu principal est-il celui de l’image de la ville ?
M. R. : Non, l’enjeu c’est de faire un travail culturel avec les habitants et les associations du territoire. C’est la même chose que ce qui a été porté par Jérôme Bouvier quand il a permis à des artistes de rencontrer des habitants et des photographes, des écrivains. On veut avoir des grands artistes sous la main pour qu’ils travaillent sur l’accès à la création. C’est un enjeu de développement culturel endogène.