
« Les chants de Mandrin », un film de contrebande

« Nous étions vingt ou trente / Brigands dans une bande / Tous habillés de blanc / A la mode des, vous m'entendez, / Tous habillés de blanc / A la mode des marchands. » Incroyable mais vu pour de vrai : ils se sont mis à entonner le chant de Mandrin, à la fin de la séance, dans ce cinéma de Saint-Denis, quand le réalisateur qui présentait son film a demandé aux spectateurs s’ils connaissaient ces chants.
Ils étaient eux-mêmes comme une bande, cinq ou plus, cheveux plutôt grisonnants, et carte du Parti sans doute pas trop loin, parmi le public d’une centaine de spectateurs à assister à cette représentation des « Chants de Mandrin », en présence de Rabah Ameur-Zaïmèche notamment. Le réalisateur rebelle, déjà auteur de « Wesh, Wesh, qu’est-ce qui se passe ? » et de « Dernier maquis », retrouve là son esprit frondeur, et va même en puiser les racines dans l’histoire de France. On comprend mieux pourquoi la bande de spectateurs a eu envie de chanter, et en quoi il s’agit d’un « film de contrebande », selon son auteur : filmé avec un budget étique, dans les Causses d’Aveyron, sur un rythme posé, lent, pas vraiment dans l’ère du temps, et avec l’aide… de la Confédération Paysanne, pour les décors et les animaux ! Un esprit de petite communauté contestataire, de francs-tireurs libres et seuls avec la nature, souffle résolument sur cette œuvre insolite, qui donne sûrement envie de prendre le maquis, et se termine en fête et en chants, mais quand même gravement : « Monté sur la potence / Je regardai la France / Je vis mes compagnons / A l'ombre d'un, vous m'entendez, / Je vis mes compagnons / A l'ombre d'un buisson / Compagnons de misère / Allez dire à ma mère / Qu'elle ne m'reverra plus / J' suis un enfant, vous m'entendez, / Qu'elle ne m'reverra plus / J'suis un enfant perdu. »
E.R.
Les habitants des quartiers ont souvent du mal à avaler le concept de "Nos ancêtres les Gaulois" tout droit sorti des livres d'Histoire. S'il est une critique positive que Presse & Cité a choisi d'émettre, c'est que le dernier film de Rabah Ameur-Zaïmèche permet d'avaler beaucoup plus facilement la pilule. C'est vérifié et vérifiable : il existe au moins un personnage méconnu de l'histoire de France qui pourrait servir de tuteur à plus d'un Français en lutte frontale avec une part de sa fameuse identité nationale. Il s'appelle Louis Mandrin. Le film "Les chants de Mandrin" campe son décor en 1755, après l’exécution du célèbre contrebandier. Ses compagnons décident alors de prolonger l'action de leur chef défunt. Et Rabah Ameur-Zaïmèche de même, à son tour.
Chloé Juhel a rencontré Rabah Ameur-Zaïmèche.