Le sport intègre-t-il vraiment ? Autour de la dernière expo de l’Achac

Le 14-05-2016
Par Erwan Ruty

Les 14 et 15 avril se tenait sur le magnifique campus de L’Institut national du sport, à Vincennes, une rencontre sur intitulée « Sport, histoire et diversités », à l’occasion de la tournée nationale de l’exposition de l’Achac sur le même thème. Imagerie toujours aussi frappante, textes toujours aussi remarquables… l’Achac nous a aussi proposé un débat… toujours aussi vif ! On en veut encore !

 

« De Gaulle disait déjà que pour que les blousons noirs soient moins dangereux, on devait leur faire faire du sport », rappelle d’entrée de jeu Yvan Gastaut, historien spécialiste du sport. « Mais on est là dans de l’intégration sociale. Les premiers dispositifs d’intégration liés au sport n’apparaissent vraiment qu’après les émeutes de 1981 dans la banlieue lyonnaise. C’est les opérations dites anti-été chaud de 1982, 83, 84. Et ça se développe au moment où la politique de la ville se met lentement en place, en 1991-92, notamment à Toulouse ». Roland Biache, délégué général de Solidarité laïque, organisme d’éducation populaire, évoque lui « l’injonction communautaire » des années 80, pour mettre en parallèle avec la situation contemporaine, où serait plutôt dans une « recherche identitaire »… ce que Fred Callens, du bureau de lutte contre les discriminations du Cget, nuance : « Dans les années 90 et avant, il y avait des clubs portugais, kabyles etc. Aujourd’hui, on ne pourrait plus les financer, ça serait même dénoncé ! »

 

"On demande au sport de normer les comportements"

Reste que, comme le rappelle à sa manière, directe, le grand témoin invité de la journée, l’acteur Philippe Torreton, « le sport, comme la culture, sont des bouées de sauvetage à un âge où on ne s’aime pas, où on n’aime pas ses parents, où on ne sait pas toujours si on aime plutôt les hommes ou les femmes, où on a des boutons, où son corps change… C’est pour ça que le vivre ensemble passe avant tout par le sport et la culture. » Mais « on demande au sport de normer les comportements, par le respect des règles, des arbitres etc. » ajoute son complice Nicolas Bancel, directeur de l’Institut des sciences du sport de Lausanne. Et de noter : « Au début du XXème siècle, le sport est conçu, en Angleterre, pour une élite bourgeoise, avec des valeurs compétitives qui vont à l’encontre de celles de l’éducation populaire, même s’il peut aussi y avoir des équipes et donc un esprit d’équipe ». Et de lancer : « D’ailleurs, il y a toujours eu un problème de gouvernance dans le sport : Coubertin a fini ruiné en 1927 ! » Mais l’historien reconnaît quand même que la France est le seul pays européen à proposer des cursus sport-études…
 

Le sport ne peut s'autoréguler

Cependant, tout le monde ne croit pas aux vertus intégratrices du sport. Silvère-Henry Cissé, notamment, malgré sa longue carrière dans un journalisme sportif au discours pourtant souvent lénifiant : « Tout sportif serait donc citoyen ? C’est une erreur ! Dans le sport amateur, on voit beaucoup de mauvais comportements parce que les encadrants ne sont pas formés ! » Mais le monde sportif pro n’est pas non plus exempt de reproches, comme le note Nicolas Bancel : « Dopage, corruption… le monde sportif ne s’auto-régule pas ! Il faut un effort des pouvoirs publics pour y aider ». C’est d’ailleurs pourquoi le représentant du ministère de la Jeunesse et des sports, Dimitri Grygowski, aimerait voir s’imposer une solution originale en la matière : « Pourquoi ne pourrait-on pas réaliser son stage dans une équipe sportive ? Ca serait quand même mieux que dans un kebab ou la supérette du quartier ! »
 

Mais la conclusion presque tragique de cette rencontre, et de cette exposition, tombe comme un couperet, par Pascal Blanchard, qui en fait attaque le cœur du sujet, mentionnant la réception de l’exposition par les instances du sport justement : « Notre exposition, on l’a proposée dans le cadre de l’Euro, et elle a été refusée par l’Uefa au motif que parler de diversité après les attentats, ça peut poser problème ! ». Et M. Grygowski de reconnaître : « L’Euro a un cahier des charges, qu’on a accepté. On a un pouvoir de négociation qu’on utilise sur certains aspects, mais le rapport de forces n’est pas toujours en notre faveur… » Ce qui fait sursauter Philippe Torreton : « On n’a que les tyrans qu’on se donne ! Si le ministère ne réagit pas, c’est un ectoplasme ! Il faut du courage ! » Réponse du ministère : « Oui, il faut du courage pour organiser un événement comme l’Euro juste après les attentats ! »
 

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