La Courneuve s’invente de nouveaux droits - Ressources Urbaines

Le 06-05-2010
Par xadmin

Jugée recevable, la plainte déposée par la Courneuve auprès de la HALDE pourrait créer le concept juridique de discrimination territoriale. Et changer concrètement le quotidien de millions d’habitants des quartiers populaires.

En décidant, le 22 février dernier, que la plainte déposée auprès de ses services en mai 2009 par la mairie de la Courneuve était bel et bien recevable, la Halde (voir par ailleurs) a créé une onde de choc dont personne ne peut encore mesurer la portée. Que dit le collège de onze membres de l’institution ? Trois choses. Qu’elle confie à l’Observatoire National des Zones Urbaines Sensibes (ONZUS) la mission de mener l’enquête, sur la base d’éléments objectifs, sur la discrimination territoriale dont la mairie de la Courneuve se dit victime. Qu’il est nécessaire d’évaluer le respect des principes de non discrimination sur nos territoires, et d’inventer des outils pour y parvenir. Enfin, que la question de la discrimination liée au lieu d’habitation (sur un CV, par exemple), qui n’est pour l’heure pas prise en compte par la loi, doit être étudiée de très près… Le point essentiel ? La Halde accepte de se pencher sur un concept nouveau, qui viendrait donc remplir un vide juridique, celui de discrimination territoriale.
« C’est un pas de géant, assure Hayat Dhalfa, en charge des discriminations au cabinet du maire. Avec cette plainte, nous exigions du modèle républicain qu’il fasse ce qu’il nous assure faire. A la Courneuve, 30 000 plaintes individuelles pourraient être déposées. Sur l’accès aux transports, à l’éducation... Or le devoir du politique est de ne pas jouer les individus les uns contre les autres, mais de pointer que toute une zone géographique est touchée. » La ville étaye donc l’an passé un dossier global pointant les négligences des pouvoirs publics
La première victoire ? Lorsque Louis Scweitzer, alors président de la Halde, assiste à la conférence de rentrée du maire devant 300 habitants. « Un moment rare de dialogue entre une population et une haute instance », estime Hayat Dhalfa. Comme lorsqu’une mère témoigne qu’on a refusé de venir soigner son enfant sous prétexte qu’elle habitait à la Courneuve… La deuxième étape, décisive, vient de la décision du 22 février de traiter, effectivement, la plainte de la municipalité.
Les perspectives nouvelles ainsi ouvertes demeurent pour l’heure imprévisibles. Déjà, des collectivités locales s’engouffrent dans l’ouverture (voir par ailleurs). Surtout, le débat de l’égalité républicaine est formellement posé sur un plan juridique. « Le fait que la plainte ait été jugée recevable est déjà une victoire, estime Marc, juriste et habitant de la Courneuve. » A l’heure où la Halde change de présidence, et où certaines voix remettent en cause ses moyens d’action, l’issue de la plainte déposée par la ville, non contente d’interroger concrètement le droit français et l’égalité républicaine, pourrait donner une dimension nouvelle à cette institution.

Cyril Pocréaux – Ressources Urbaines
 

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