« Il y a une vraie folie ambiante ». Entretien exclusif avec Daniel Cohn-Bendit.

Le 09-04-2011
Par xadmin

100% Français et 100% Allemand, leader gauchiste bouillonnant dans les années 68, tribun écologiste vénérant l’Europe comme institution trans-étatique capable de limiter les nations et leurs tendances guerrières, Daniel Cohn-Bendit est un concentré de multiculturalisme, dans ses origines comme dans sa volonté et ses objectifs. L’élu Europe-Ecologie au Parlement européen défend la diversité des appartenances tout en craignant la frilosité sur ces questions.

Presse & Cité : L’offensive contre le multiculturalisme est venue d’Allemagne. Vous y étiez dans les années 80 et 90, élu en charge des questions relatives aux minorités, à Francfort. Que pensez-vous de ce genre d’attaque contre un modèle supposé multiculturel ?
Daniel Cohn-Bendit : La phrase de Merkel ne veut rien dire : nous vivons dans des sociétés multiculturelles, mais qui ne se définissent pas seulement par rapport à des questions migratoires ou religieuses : les conceptions sur les différentes manières de vivre, sur la famille, les couples homos ou hétérosexuels, les réseaux se multiplient. Les individus ne se définissent plus seulement par leur vécu quotidien local, mais aussi par une interprétation de ce qui se passe dans le monde. L’arrivée de musulmans plus ou moins croyants n’est pas un échec. Maintenant, la convivialité existe-t-elle ? Y a-t-il une intégration dans une unité ? Jusque dans les années 70, le travail intégrait. Et puis il y a eu les crises, le chômage. C’est alors que le religieux a émergé. Il ne faut pas abdiquer sur la question du travail, et développer une autre forme de convivialité qui intègre.

P&C : Votre expérience à Francfort est-elle un succès, notamment par rapport à ce qui se passe en France ?

DCB : Francfort est une ville qui a une vision positive de son hétérogénéité. Il y 30% de gens d’origine immigrée, et ça marche mieux qu’à Paris par exemple. Il y a une acceptation. Le succès de Thilo Sarrazin* est relatif : l’Extrême-droite a fait 3,5% il y a 15 jours aux élections à Francfort. Même s’il faut reconnaître qu’il y a un sentiment de crainte vis-à-vis de l’islam.

P&C : Le Parti Régionaliste a fait les élections avec Europe Ecologie pour les européennes de 2008. Pourquoi les écologistes ont toujours été des soutiens des minorités, qu’elles soient d’abord régionales, puis étrangères ?
DCB
: L’écologie est une forme de relocalisation : c’est le tissu social local qui structure les changements. J’accepte ce partenariat, tout en étant parfois sceptique sur certaines formes de régionalisme qui voudraient que l’identité régionale, c’est mieux que l’identité mondialisée. La Ligue Lombarde, en Italie, est aussi un parti très excluant.

P&C : Certains écologistes ont récemment pris position pour un retour à un modèle républicain assez traditionnel. Qu’en pensez-vous ?
DCB : Le républicanisme doit aujourd’hui être différent de celui des années trente. Il n’y a pas plus athée que moi, mais je pense qu’il faut réinventer une République qui accepte les religions. Si la laïcité consiste à repousser les musulmans et dans des ghettos et des écoles coraniques, à quoi ça sert ? Je pense que ça va être le débat des années qui viennent. Il y a une vraie folie ambiante. Quand on voit les réactions d’Aubry et son retrait de l’Appel publié par le Nouvel Obs contre le « Débat-procès de l’islam », parce que Tariq Ramadan l’avait aussi signé, on se dit qu’il y a quand même une frilosité incroyable !

Propos recueillis par Erwan Ruty

*Près de 2 millions d’exemplaires de son livre « L’Allemagne va à sa perte », assurant qu’il faut mettre un terme à l’immigration musulmane en Allemagne, “en dernière instance” pour des motifs génétiques, se sont vendus en Allemagne. Il déclarait par ailleurs : “Les différences culturelles de beaucoup d’immigrés musulmans pourraient être relativisées si ceux-ci manifestaient un potentiel intellectuel particulier. Hélas, ils n’en donnent pas le moindre signe. Tout semble même indiquer le contraire et il n’est pas du tout certain que cela soit exclusivement lié à l’infériorité de leur milieu social. Les immigrés du Proche-Orient souffrent en effet de tares génétiques, en partie dues à la persistance des mariages entre parents proches, ce qui explique qu’ils présentent une proportion supérieure à la moyenne de maladies héréditaires en tout genre.” Thilo Sarrazin est membre du directoire de la Banque centrale allemande, membre du SPD (sociaux-démocrates). SPD qui a refusé de l’exclure suite à ses propos… Et si lesY’a bon awards décernaient aussi un prix « International » ?
 

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