George Morin, coup de soleil au Maghreb des livres

Le Maghreb des livres dans les salons de l'hôtel de Ville de Paris
Le 05-04-2016
Par Erwan Ruty

2016 sera la 22ème édition du salon du Maghreb des Livres, sis depuis 2001 dans le majestueux Hôtel de ville de Paris et consacré ai Maroc cette année ; opération portée par l’association Coup de soleil, dont le président, George Morin, nous a accordé un entretien. Quoi de neuf sous le ciel orageux d’une année marquée par une série d’attentats en France comme au Maghreb ?

 

P&C : Le Maghreb des livres est-il impacté par l’actualité des attentats ?
George Morin :
En 1991, au moment de la guerre du Golfe, on avait déjà réussi à faire monter sur la scène de l’Olympia Boujenah, Smaïn, Bedos. Le Maghreb des livres s’est installé à la mairie de Paris en 2001, un mois après le 11 septembre. Le Préfet d’alors avait interdit la manifestation, mais Bertrand Delanoë (l’un des fondateurs de Coup de Soleil) avait permis qu’il se tienne quand même, avec le soutien du Président Chirac et de Lionel Jospin. Il s’est passé la même chose en janvier dernier, un mois avant la 21ème édition. Cette fois, rebelote, c’est Anne Hidalgo qui a dû intervenir ! Il faut un minimum de sens politique ! Ne pas tenir ce salon où des juifs, des musulmans, des pieds-noirs etc se rencontrent, aurait donné raison à Ben Laden ou à Daech. L’esprit, c’est rester debout et savoir dire non ! Culture, convivialité et fraternité sont les meilleures armes contre la barbarie. C’est par eux qu’on fait passer le plus facilement des messages.
 

P&C : Quelles ont été les temps forts en 2016 ?
G.M. :
L’objectif premier est de parler des livres de l’année. On en a de plus en plus, on avait juré de ne pas dépasser les 120 auteurs présents, on les a dépassés ! Ils étaient 136 cette année ! Avec un public de 5 à 6000 personnes, qui vient de toute l’Europe, et qui achète en moyenne 3 livres… Ils viennent pour les dédicaces avec les auteurs (plus nombreux que les éditeurs, au contraire des salons habituels !), pour les « cafés littéraires », pour les lectures, pour la librairie et notamment la nouvelle librairie jeunesse. On a eu par exemple des temps forts, comme le débat autour des dix ans des émeutes de 2005, avec Thomas Guénolé (auteur de « Les jeunes de banlieue mangent-ils des enfants ? »), ou celui sur le soufisme, ainsi que des hommages à Assia Djebbar ou François Maspero, la présence de Rachid Arhab, Jean-Pierre Filiu, l’auteur de BD Farid Boudjellal, la caricaturiste Willis from Tunis ou la chef d’orchestre Zahia Zinouani… Et parmi les jeunes pousses, on peut notamment noter la présence de Habiba Djanine, poète algérienne auteure de « Fragments de la maison ».
 

P&C : Essayez-vous d’entrer en résonance avec l’actualité, par exemple sur les questions religieuses qui agitent tant l’espace public actuellement ?
G.M. :
La production n’est pas forcément débordante sur le sujet. Par contre, on est conscients des fractures qui existent. Avec les jeunes, suite aux attentats de Charlie, elle était réelle, notamment avec les jeunes issus de l’immigration. Mais l’Education nationale fait un travail de très grande qualité sur ça, avec beaucoup de formations sur la laïcité, l’islam, etc. Cette thématique sera sans doute développée en 2017 : il y a toujours un temps de retard littéraire…
 

P&C : Comment éviter le ronronnement d’une manifestation qui a 22 ans ?
G.M. :
En écoutant les conseils de ceux qui nous aident à l’organiser ! Certes, nous maintenons ce qui fonctionne mais nous avons aussi récemment décidé, sur les conseils d’un de nos principaux financeurs, le Centre national du livre, d’organiser des « Cafés littéraires » et des « Entretiens » (28, avec France culture), ainsi que des « Lectures ». Et cette année, nous aurons aussi un espace spécifique dédié au livre de jeunesse, avec la libraire « L’attrape cœur » -même s’il n’y a pas encore des foules de gamins, ça met du Botox sur la vieille figure du salon ! D’un autre côté, sur les 24 bénévoles, la moitié ont entre 25 et 35 ans, ce qui est très encourageant. On a enfin intensifié les contacts avec des médiathèques et des lycées (deux classes seront présentes, l’une d’Eaubonne -Val d’Oise-, l’autre de Montpellier), qui dialogueront sur scène avec un auteur (respectivement l’écrivain algérien Taïeb Ferradji et l’écrivain marocain Fouad Laroui). Il y a quatre ans, un professeur avait demandé à ses élèves de lire les nouvelles écrites par eux pour continuer l’histoire de certains des personnages d’un roman de Yasmina Khadra… qui en avait été ému presque jusqu’aux larmes.

 

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