Débat : le multiculturalisme existe-t-il en France ?

Le 14-04-2011
Par xadmin

Le 24 février, une dizaine de rédacteurs, des journalistes travaillant notamment sur les banlieues ainsi que des acteurs des quartiers, se réunissaient pour rendre compte de leur point de vue sur le débat lié au multiculturalisme.

Michel : La réalité sociale a dépassé le discours politique. Le multiculturalisme est un système qui n'existe pas politiquement. Des gens comme Emergence veulent dépasser ce concept. La presse communautaire existe, et pourtant elle n'est pas communautariste. Pareil pour les commerces, depuis longtemps, que cela soit les commerce d'alimentation ou de produits exotiques qui ne sont pas spécialement détenus par les communautés auxquelles ces produits sont destinés, comme par exemple les coiffeurs et vendeurs de produits de beauté de Château Rouge ou de Saint-Denis, qui sont destinés aux Noirs mais tenus par des Asiatiques...

Hédi : dans le commerce, il n'y a pas de discrimination, c'est toujours une formule d'intégration. Le multiculturalisme est un mot importé. Qui l'utilise ? Pourquoi ? Avec quel sens ? Sarkozy était accusé de faire du « communautarisme » à l'américaine, de vouloir importer le modèle multiculturel anglo-saxon, maintenant il revient sur un discours « républicain », en fait d'extrême-droite. Le communautarisme qui divise la société en parts de marché ne fonctionne pas : électoralement, il n'y a pas de vote arabe par exemple.

Nadia HM : C’est parce que la France a toujours choisi l'assimilation. Avec le décret Crémieux, elle a demandé aux Arabes qui voulaient s'intégrer d'abandonner leur religion.

Nadia HS : Les gens n'ont toujours pas envie de se positionner comme musulmans en France : l'Appel de Repect mag [des musulmans contre le terrorisme] a beaucoup divisé.

Michel : Pourtant à l'école, on ne nous a jamais inculqué un modèle d'intégration.

Renée : L'alimentation est le seul multiculturalisme autorisé : personne n'oserait attaquer la bouffe de tel ou tel pays. Le couscous est le plat préféré des français. Est-ce l'attrait pour l'exotisme ?

Nadia HS : Il faut voir la pièce « Couscous aux lardons » ou le film Jambon beurre, c'est ça le juste reflet de la société française d'aujourd'hui!

Nadia HS : dans le sport, il y a un multiculturalisme, dès 1998, et même avant.

Renée : une société multiculturelle existe-elle ? Au Canada, oui.

Farid : La loi Toubon a été une puissante loi contre le multiculturalisme... anglo-saxon ! Alors qu’en même temps, les langues régionales, elles, semblent se développer...

Nadia S : Il y a même une véritable nouvelle langue locale à Villiers-le-bel !

Nadia HS : Et la langue arabe, elle, est très peu enseignée en France : seulement dans le privé, dans des mosquées...

Farid : J'ai appris l'arabe coranique, je n'y connais rien !

Ager : Les cours de Français Langue Etrangères, eux, marchent bien...

Farid : Il y avait aussi un multiculturalisme dans les fringues, qui existe de moins en moins : le marché de Mantes est de plus en plus occidentalisé. Y compris chez les clandestins afghans ! Les habits traditionnels ne se portent que dans « l'ethno-chic » ou dans le privé, dans les fêtes religieuses ou traditionnelles, mariages etc.

Erwan : Et les tenues traditionnelles, en France, se sont développées au moment où l'assimilation s'est vraiment faite sentir, comme en Bretagne à la fin du XIXè siècle. La France a annihilé les cultures traditionnelles sur son sol : Bretons, Corses, Languedociens, Basques, Ch'tis, Alsaciens...

Michel : Pourtant les sites et pages Facebook de porteurs de boubous, par exemple, rencontrent un grand succès !

Hédi : Oui, mais il y a une identité de consommation, une volonté de faire du monde une aire d'autoroute où on est là seulement pour acheter des Mars, ce qui détruit les liens sociaux, infantilise les gens.

Farid : On a récemment vu, à Montpellier, un professeur se faire interdire d'apprendre une chanson reprise du film Azur et Asmar, qui a pourtant reçu le 1er prix de l'Education Nationale...

Hédi : Pourtant, ce sont souvent les chrétiens qui ont accompagné les musulmans dans leur pratique, comme les aumôneries de Nanterre par exemple.

Michel : Ou avec la salle Saint-Bruno, à la Goutte-d'Or.

Hédi : Le processus Républicain s'est construit contre des étrangers. On essaie maintenant de chercher les étrangers « à l'intérieur », sur le sol français. La finalité n'est plus d'intégrer mais de laisser les gens rester des métèques, comme dans l'Athènes antique.

Ager : Souvent, les premiers immigrés, des hommes, buvaient de l'alcool, ils étaient très occidentalisés.

Hédi : Et même politisés, par la décolonisation...

Farid : C'est ce que montre Sayad, la première génération cherche l'invisibilité. Ce n'est qu'après que l'on cherche à émerger. Il faut une rupture du lien avec les pays d'origine.

Presse & Cité

 

Participez à la réunion de rédaction ! Abonnez-vous pour recevoir nos éditions, participer aux choix des prochains dossiers, commenter, partager,...