
D-Tone, l’art du camouflage, et ce qui se cache derrière

D-Tone est un Ovni qui survole l’art pictural depuis plus de 25 ans, se fondant dans des univers à la lisière du graf, du dessin, de la peinture, de l’art urbain et du Pop art. Il expose depuis des années rue Bonaparte, dans le très chic et très peu street 6ème arrondissement de Paris. Aujourd’hui, il présente Camouflage. Une histoire de dissimulation et de dévoilement.
Art religieux (la série « Black virgin »), street art (la série « Street machine »), « art nègre » pourquoi pas (la série « Black stars »), art publicitaire (pour les sacs à dos Eastpak, des planches de skate, pour Agnès B… et avec la série « Style & fashion ») et maintenant art de la guerre ? Rien d’étonnant à ce qu’un artiste caméléon finisse par explorer le thème du camouflage.
Le mur de Berlin et le graf
« J’ai commencé par dessiner, tout petit, avant de faire de la Bd, puis du graf, et enfin du dessin publicitaire… Comme dans un sandwich, j’accumule ». Mais il n’y a pas de parcours linéaire chez ce garçon, qui a grandi entre Guadeloupe et région parisienne. « Le graffiti m’a fait sortir de ma feuille, mais la peinture m’a fait rentrer dans une toile, tout en gardant les mêmes techniques, comme la bombe, même lorsque le support changeait. Mais c’est l’effondrement du mur de Berlin qui m’a donné envie de garder mes grafs, avec ses bouts de graf qui ont commencé à s’échanger. Jonone ou Futura 2000 exposaient déjà, mai sils étaient décriés comme des traîtres !
Entre expliciation et dissimulation
Celui qui a eu envie de s’y mettre grâce à Roy Lichtenstein hésite toujours entre explicitation et dissimulation. Lancées à partir de 1996, ses séries ont de plus en plus pour objectif de « donner un avis maîtrisé », de « contrôler », de montrer des déclinaisons en chapitres lisibles de son travail, « qui ne soient pas ce que les galeristes veulent en dire ». Protéiforme, l’artiste’ change, c’est revendiqué : « Avant, je voulais piéger le visiteur ». Aujourd’hui, D-Tone serait-il plus pédagogue ? Mot horrible pour un artiste, mais quand même : « C’est un honneur de montrer son travail, alors il faut être audible, se faire comprendre. Cette série Camouflage est une introspection ». Irait-il jusqu’à vouloir tomber le masque ? D-Tone a fait de la musique. « Détonne ». « Celui qui n’est pas dans le ton ».
Camouflage et métamorphoses
Rien n’est moins sûr. Dans cette nouvelle série, il y a des avions de chasse et des tanks de la seconde guerre mondiale, une armure moyen-âgeuse, des vestes de camouflage… sujets insolites pour un street artiste parisien ! « Cette série est une introspection. Mon papa est militaire. J’adore les habits de camouflage, j’adore les avions, la série télé « Les têtes brûlées » et Pappy Boyington ! » Ludique, D-Tone ? Gare ! L’armure, c’est une protection inventée par analogie avec la carapace du scarabée. L’avion de chasse, ses ailerons et son fuselage ? Il se rapproche du requin, ou de l’aigle. Rapprochez-vous des toiles, ça saute aux yeux. En une série de croquis peints et dessinés à l’encre de Chine, vous serrez la métamorphose de l’avion en requin, en aigle. Cillez les yeux, éloignez-vous des toiles qui paraissent non figuratives, des formes au motif camouflage, et vous finirez par apercevoir des visages.
Sur d’autres toiles, des visages de jeunes, de femmes, plus ou moins dissimulés sous leur casquette, chapeau, capuche… « Quand on voit quelqu’un, on ne sait pas qui il est. On préjuge de ce qu’on voit. Prendre un logo, c’est devenu fédérateur, dans le monde entier. Avec la série précédente, Style & fashion, ce n’est pas la marque qui m’intéresse, c’est ce qu’il y a derrière le logo, au second plan ». On se cache derrière ce logo comme derrière un masque. On se camoufle, et il faut prendre le temps de se poser pour interpréter ce que l’on croit voir.
INFO BONUS ! A partir du 31 mars 2017, La Condition publique de Roubaix et la galerie Magda Danysz proposent une exposition "Street génération(s)", qui raconte 40 ans d'art urbain, graf et autres techniques picturales murales, "sans contexte le mouvement artistique le plus important de la fin du XXème et du début du XXIème siècle" selon Magda Danysz. Une expo présentant les oeuvres d'une cinquantaine d'artistes, couplée à une vingtaine de réalisations "in situ" dans le quartier du Pile de Roubaix où se trouve La Condition publique. Peu-être y croisera-t-on D-Tone ?