Chronique: "La loi du Ghetto" de Luc Bronner

Le 13-08-2010
Par xadmin

Luc Bronner décode, analyse et relate le quotidien des banlieues pour le journal Le Monde. Autant dire pour l’élite de ce pays. Sa prose souvent froide et ponctuée de références à des rapports ou des études, se retrouve dans cet ouvrage où l’on peine à entrevoir le citoyen, l’homme, résigné ou en colère, qui arpente depuis 5 ans ces banlieues oubliées de la République. C’est certainement aussi pour cela que ses articles et son livre sont si efficaces.

Même si une grande partie de l’ouvrage se concentre sur les violences, il ne reste pas prisonnier des « infos génés » ; ces sources majoritairement marquées par la vision des forces de l’ordre (institutions ou syndicats). Dans un chapitre cinglant sur les médias, il clarifie l’évidence, ou comment la Police s’est imposée comme l’agence de presse sur les banlieues. Se la mettre à dos, c’est hypothéquer sa rubrique. Parce que présent de jour comme de nuit sur le macadam, Luc Bronner recoupe ses informations et les croise avec un matériau essentiel : la parole des habitants, des jeunes, des travailleurs sociaux, des policiers, des élus, des intellectuels… C’est cette diversité qui permet un regard sur la complexité tant de la situation que des enjeux propres aux banlieues. Mais c’est aussi cette pluralité des regards (y compris celui des jeunes qui rouillent ou mènent la vie dure à leur entourage) qui alerte quant à une situation plus que jamais dégradée. Les banlieues décrites par Luc Bronner, sont comme sur un fil où elles se balancent de l’angoisse de parents frappés de précarité, aux incertitudes des plus jeunes qui veulent s’en sortir ; du nihilisme des plus prompts à l’émeute et au saccage, à la résignation des plus vieux incapables de retrouver leur autorité ; du racisme de ceux qui rasent les murs, à la résistance invisible de tous ceux qui par leur attitude au quotidien, esquissent des alternatives.

Les mouvements de ghettoïsation que pointe le lauréat du prix Albert Londres, sont doubles. Par le bas ; sous les effets de la paupérisation et du pourrissement que les jeunes les plus désœuvrés et les plus vulnérables aux appels du petit banditisme, entretiennent. Mais ils se construisent également par le haut, avec une force d’autant plus grande qu’elle se veut discrète et inscrite sur le long court. Les pages traitant de l’accueil des immigrés, de logement et d’urbanisme, de politique pénale et d’approche policière des banlieues, dessinent les contours d’une vaste politique d’exception. Politique qui trouve sa genèse dans la pratique administrative ou sous l’injonction du politique, mais qui peine à être dénoncée et combattue par les forces de progrès ; syndicats, partis, ONG… Effet dévastateur de la rupture sociale et politique avec les banlieues et d’une gestion de crise sans perspective et sans volonté d’associer les habitants. Aux banlieues de se prendre en charge en allant à la conquête des pouvoirs ? C’est ce dont le citoyen Bronner est convaincu.

FM

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