93 INFLUENCE : ILS RÉINVENTENT LE TERRITOIRE !

Le 12-12-2019
Par L. M. de BY US MEDIA

Il le dit lui-même, c’est d’abord par militantisme puis par chauvinisme non dissimulé que Khir Din est resté dans le 93. À Aubervilliers précisément, là où il a toujours vécu. « Le 93 c’est un état d’esprit [...] nous sommes un symbole ! » dit-il fièrement pour décrire son département. Car la ville d’Aubervilliers est l’un des personnages principaux du film de la vie de ce grand passionné de cinéma. Aujourd’hui, producteur, bien qu’ayant étudié la politique pendant ses études, il a choisi d’implanter sa société dans la ville qui l’a toujours inspiré. Rencontre.


Bonjour Khir Din, Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Khir Din, j’ai 32 ans, je suis d’origine algérienne. Je suis né à Aubervilliers, j’y ai grandi et j’y vis toujours. Ma société de Production “La Nouvelle Donne” est elle aussi basée à Aubervilliers.
Quel est ton parcours scolaire et professionnel ?
J’ai une licence de sociologie politique et un master de sciences politiques. En parallèle de mes études, j’avais monté une association qui s’appelait “Hors Cadre” et dont le but était de produire de la vidéo, des courts-métrages etc. On a travaillé sur un projet qui s’appelle “Rue des Cités”, un court-métrage qui a débouché sur la création de notre société actuelle.

Pourquoi avoir poursuivi des études de sociologie politique et sciences politiques ?

À l’époque, c’est ce qui m’intéressait :  “la politique” au sens noble du terme (ou pas), savoir comment est-on gouverné. Ça m’intéresse depuis que je suis tout petit, sans doute parce que mes parents s’y intéressaient eux-mêmes beaucoup. C’est donc naturellement que je me suis tourné vers ce genre d’études. J’ai ensuite travaillé dans le milieu politique mais j’avais aussi cette passion pour le cinéma qui grandissait. Je me sens mieux dans ce que je fais aujourd’hui même si je suis encore présent dans le milieu politique. Mon métier c’est la production !

En quoi consiste ton action ?

Mon travail au quotidien, c’est de dénicher des talents et ensuite de mettre en place des projets. Moi, ce que je kiffe, c’est de partir d’une feuille blanche et de construire, de développer des idées. J’accompagne ces talents dans leur projet et je fais en sorte de trouver des financements pour les réaliser. Cet accompagnement, on le fait du début jusqu’à la diffusion du film en festival, à la télévision etc.
Trouves-tu que ton environnement a changé socialement, économiquement, culturellement ?
En 10 /15 ans le monde a changé ! Aujourd’hui, on est à l’époque d’Internet, des smartphones, etc. Le cinéma s’est démocratisé, tout le monde peut faire un film. Avant, les caméras, les pellicules, ça coûtait énormément. Maintenant, tourner en numérique est accessible à tous. Paradoxalement, dans le 93, peu de choses ont changé. Les quartiers, l’architecture ne changent pas. On a l’impression que le monde avance vite mais sans nous. À côté de ça, il y a dans le 93 ce que j’appelle “la fuite des cerveaux”. Donc, si on produit dans le 93, c’est par militantisme, parce qu’Aubervilliers, c’est notre force, c’est ce qui nous différencie des autres boîtes de production.
Au niveau de l’environnement, ce qui a changé c’est déjà la zone du Stade de France. Il y a plein d’entreprises comme Véolia, BNP, Chanel, Uber mais pour l’instant, on n’en voit pas encore les effets.

Quelle est selon toi, la différence entre le 93 et les autres départements ?

Nous on a une âme ! Par rapport aux autres départements, quand on pense “quartier”, on pense “93”. N’importe où dans le monde, on associe le 93 aux banlieues françaises. Ça a ses avantages car il y a plein de choses qui s’y font. C’est un peu le Harlem à la française. Y’a une âme, une culture ! Nous sommes un étendard mais il y a aussi des inconvénients, à savoir notre réputation. On est jalousé pour toutes ces choses bizarrement, pour ce qu’on fait de bien comme pour ce qu’on fait de mal... Il y a une sorte de fascination, nous sommes un symbole.

Pourrais-tu habiter ailleurs ?

Sans problème ! Je suis chauvin, je parle tout le temps d’Aubervilliers et les gens me connaissent pour ça, mais tout n’est pas tout rose ici. Je ne me voile pas la face, j’idéalise pas les choses. Je pourrais habiter ailleurs. Si on me propose une villa à Miami, je ne vais pas dire non, mais encore une fois, je fais ce choix et c’est un choix militant.

Quel est le lieu qui t’inspire dans le 93 ?

Le lieu qui m’inspire le plus c’est la “street”, c’est quand tu es au plus près des gens ! Où que tu sois dans le 93, quand t’es au cœur du quartier, tu peux constater toute sa force. Tu vas
croiser des gens géniaux, trouver une association qui fait des choses formidables, par exemple.
Qu’est-ce que tu détestes le plus dans le 93 et que selon toi, il faudrait absolument changer ?
Ce que je déteste le plus dans le 93 c’est l’insalubrité. Les rues sont sales. J’ai l’impression que ça s’est dégradé ou alors j’y prêtais moins attention avant. Il est clair que maintenant, on est plus sensibilisé par rapport à l’environnement, l’écologie. Il faut faire en sorte que les rues soient plus propres. Ça passe par les institutions qui doivent jouer leur rôle mais également par les habitants qui doivent se responsabiliser.
Il y a deux choses qu’il faut absolument changer : les transports et le périphérique. Concernant les transports, il n’est pas normal d’avoir à faire des détours interminables pour se rendre de Pantin à Villepinte, par exemple. On est, dans bien des cas, obligé de passer par Paris. Pantin-Montreuil, c’est pas terrible non plus !
Quant au périphérique, il est utile mais en même temps, c’est un mur, une frontière violente, tant physique que psychologique. Quand t’es à Paris et quand t’es de l’autre côté, c’est deux mondes différents même si ce sont des quartiers populaires, de part et d’autre. Du coup, quand un jeune de 15 ans met les pieds à Paris pour la première fois, il va avoir l’impression de passer dans un sasse. On l’explique très bien dans l’un de nos courts-métrages intitulé “La virée à Paname”. J’ai, moi-même, pris conscience de cet autre monde très jeune, vers l’âge de 6 ans. Nous sommes cloisonnés dans nos quartiers.

Ce qu’il ne faudrait surtout pas changer dans le 93 ?

L’énergie ! Y’a pas un domaine où un mec du 93 n’est pas dans le top 10 mondial. Dans le sport, on a Mbappé, dans la culture, la musique, on a le rappeur Fianso. Dans le monde entier, il y a des exemples de réussite, que ce soit dans l’entrepreneuriat, la recherche... Je suis certains que tu peux même trouver des mecs du 93 à la Silicon Valley (rires). Le 93 c’est un état d’esprit, c’est une niaque !

Quel avenir pour le 93, que souhaites-tu à la Seine-Saint-Denis ?

Paradoxalement, je souhaite qu’on se fonde dans la masse en n’étant plus stigmatisés en raison de notre réputation, que le fait d’être issu du 93 ne soit plus un inconvénient. Je souhaite qu’on soit une locomotive, une référence à l’instar de la Silicon Valley qui est le cœur de tout ce qui se fait mondialement en terme de Tech. Que le 93 soit “the place to be”. À noter qu’Aubervilliers l’est déjà pour ce qui est du domaine du cinéma.

Quel avenir pour toi ici ?

À vrai dire, je ne me projette pas trop donc je dirais : garder le contact avec le 93 et inspirer à travers mon parcours.
 

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