L'exposition « Au-delà du street art » propose de découvrir l'évolution de cet art apparu en France dans les années 60. Présentant des travaux des pionniers (Ernest Pignon-Ernest et Gérard Zlotykamien), d'artistes précurseurs (Jef Aerosol, Blek Le Rat) mais faisant surtout une large place aux artistes actuels (Obey/USA, Banksy/Angleterre, Dran/France...), cette exposition se révèle très variée tant dans les styles présentés que dans les techniques utilisées par chaque artiste. L'artiste français Christian Guémy, plus connu sous le pseudo de c215, dont les portraits au pochoir sont placardés sur les murs du monde entier ainsi qu'au Musée de La Poste, a partagé avec nous sa vision du street art : 

 

Le street art ça n'existe pas. Enfin, pas au sens où on l'entend habituellement. Le street art c'est la poésie de la ville. Quand je fais une œuvre dans la rue, je l'abandonne sans visée commerciale, espérant qu'elle évoluera... ou pas. L'altération fera son œuvre sur ma création, un autre artiste passera, peindra dessus et elle deviendra autre chose.[...] Il n'y a pas de définition précise du street art. Il n'y a pas encore eu d'intellectuel qui se soit penché sur la question comme Apollinaire l'a fait avec le cubisme. Mais si on peut tenter un début d'explication, je dirais que le street art n'est pas de l'art dans la rue mais l'art de la rue. Pour moi une toile peut parler de street art mais elle n'en est pas. Sans altération de l'oeuvre de rue, il n'y a pas de street art.

 

J'ai commencé à la fin des années 80, j'ai pris des bombes pour une commande de mon oncle. Ensuite j'ai peint sur les murs de ma ville (Vitry-sur-seine) mais je ne comprenais pas ce que je faisais. Puis j'ai arrêté tout ça, je me suis consacré à mes études d'histoire de l'art et d'architecture. C'est en 2005 que j'ai repris contact avec le milieu du street art. Depuis 2006 je peins au pochoir, principalement des sujets intimes. Des portraits de ma fille, d'amis mais pour le public toutes ces personnes sont des anonymes. Quand je peins ma fille je sais que, quand je serai vieux, j'aurai plus d'émotion à regarder son portrait que si j'avais fait un portrait d'Obama en 2012... Je peins également les amis, les clochards, des fumeurs, des chats, des baisers... J'ai aussi peint beaucoup de boites aux lettres. Les postiers aimaient tellement qu'ils ont fait en sorte de ne pas repeindre ces boites aux lettres. Ce qui m'a conduit au musée de la Poste. [La rumeur de ces œuvres sur boite aux lettres sont remontées jusqu'au Musée de La Poste, qui a pris contact avec lui pour l'exposition « Au-delà du street art, ndlr]

 

Je fais de l'expression personnelle. Quand je peins des clochards, c'est parce que je me sens un peu clochard. Je n'ai plus de famille, je me sens donc proche de ceux qui vivent dans la rue. Flaubert disait « Madame Bovary c'est moi », j'étais dans l'errance, ces clochards c'était donc moi. Dans le street art, il y a beaucoup de démagogie. Beaucoup se disent écolos et sensibles à la dégradation de la planète alors qu'ils polluent en peignant au spray et prennent sans cesse l'avion pour leur promotion. Moi je ne suis pas engagé. Si j'avais un engagement politique, je ferais de la politique.