
Michel Gondry à Aubervilliers : un Hollywood low tech passe le périph

Après le Centre Pompidou à Paris, « L’Usine de film amateurs » de Michel Gondry s’installe en banlieue, et pas n’importe où ! A Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), sur le site du « cluster de la création » voulu par le Grand Paris, et à cinq minutes de la cité du Cinéma de Luc Besson. Une initiative largement soutenue par le Conseil régional d’Île-de-France et par la Mairie d’Aubervilliers, qui y voient une manière de renouveler l’économie de leur territoire.
En février et mars 2011, le réalisateur Michel Gondry à qui l’on doit notamment Eternal sunshine of the spotless mind, présentait au Centre Pompidou un projet d’Usine de films amateurs, dans l’esprit de son film Soyez sympa, rembobinez : faire du cinéma en s’amusant et avec des bouts de ficelle. Aucune connaissance spécifique n’était requise, à la manière de Jack Black et Mos Def dans son film, l’idée était de fabriquer en 3heures, un film de A à Z, depuis l’écriture du scénario, le choix des acteurs jusqu’au tournage et à la réalisation !
Développer une friche culturelle
L’occasion pour le grand public de venir créer ses propres films, dans un studio de cinéma reconstitué pour l’occasion. L’initiative connaît un véritable succès. En 6 semaines, 311 petits films sont tournés par 4 500 participants et plus de 65 000 personnes viennent visiter l’usine.
C’est ce succès qui va amorcer une réflexion autour de la pérennité du projet. Safia Lebdi, conseillère régionale Europe Ecologie – Les Verts et Présidente de la commission du Film d’Île-de-France en fait même son cheval de bataille : « Je me suis dit, c’est l’outil qu’il nous faut en banlieue. C’est l’occasion de développer une friche culturelle, un lieu de création hors de Paris. Et Michel avait aussi très envie de travailler avec des gens des quartiers. Aujourd’hui, les appels d’offre sont lancés et nous sommes aussi en recherche de financements. Le Conseil Régional, la Ville, Le Grand Paris, tous devraient participer mais je ne sais pas encore à quelle hauteur ».
S’appuyer sur des réseaux locaux
« J’ai activé le réseau, il m’a emmené à Aubervilliers », explique Safia Lebdi. Au Festival de Cannes en mai 2011, de nouveaux contacts se nouent notamment avec les réalisateurs du docu-fiction « Rue des cités », Carine May et Hakim Zouhani, habitants d’Aubervilliers et piliers de Nouvelle Toile.
Informée de la recherche de locaux grâce à ce « réseau », la municipalité propose une friche industrielle, l’emblématique Manufacture des Allumettes. L’ancienne ville ouvrière aux portes nord-est de Paris a tout pour séduire le cinéaste fantasque. « Le lieu lui a beaucoup plu, il est en correspondance avec son travail », explique Samia Khitmane, chargée de mission Patrimoine et Cinéma à la mairie.
S’installer dans la banlieue qui a accueilli l’industrialisation
Quelques jours plus tard, Michel Gondry annonce son intention d’y créer “L’Usine de Films Amateurs”. Objectif déclaré : favoriser l’accès à la culture et l’éducation à l’image. « Paris regorge d’activités culturelles au point qu’elle blase les privilégiés qui y habitent. La banlieue, surtout celle qui m’intéresse – celle qui a accueilli l’industrialisation il y a cent ans pour s’en voir dépossédée soixante quinze ans plus tard, avec des transitions difficiles pour la population, l’urbanisme, etc. Elle regorge d’énergies, d’envies d’activités rarement assouvies, voire adressées (…) L’Usine de Films amateurs va, en premier lieu, offrir un espace que s’approprieront les habitants du quartier, puis accueillir, grâce au bouche à oreille, des populations, visiteurs d’autres villes, d’autres pays (le dispositif sera promu à l’étranger). Ils formeront des groupes des plus improbables qui, après 3 heures d’activité commune, éprouveront un sentiment de fierté en visionnant une œuvre dont ils sont les auteurs », écrit-il dans la présentation du projet.
Une ouverture dans 1 an
Plusieurs personnes décident de soutenir l’association, dont Jamel Debbouze, humoriste et acteur qui en devient le parrain. Il est d’ailleurs membre fondateur de l’association porteuse du projet. « Il est vraiment très disponible pour ce projet », souligne Samia Khitmane.
« Nous sommes dans la phase de programmation. Mais cela devrait aller très vite. La ville a racheté les lieux à la Documentation française mais en a revendu une grande partie. C’est donc une opération « blanche ». Les lieux devraient également abriter une pépinière d’entreprises audiovisuelles », précise Samia Khitmane qui mène plusieurs autres actions en faveur du septième art. La ville d’Aubervilliers confirme plus que jamais que l’avenir du 9-3, s’inscrit « comme territoire de la création ». « L’Usine de films amateurs » devrait ouvrir ses portes dès 2013. Qui sait un jour, on parlera peut-être d’un festival international du film à Aubervilliers !
Nadia Hathroubi-Safsaf