
Speed dating pour les banlieues : un petit jalon dans une campagne atone

Neuf candidats (ou plutôt leurs représentants) ont joué le jeu de la démocratie ambiance quartiers : venir s’exprimer sur des thématiques qui divisent les partis à un tel point qu’ils ont tous fait l’impasse sur elles : laïcité, discriminations territoriales, statistiques ethniques, en particulier.
Dans une campagne qui s’annonce comme aveugle aux banlieues, et où la visite du Bondy blog ou de d’AC ! LEFEU tient lieu de programme de sortie de crise, dans une campagne où il convient donc de s’afficher plutôt que de proposer, six associations et médias issus des quartiers ont tenté de relever la barre d’un cran. Certes, on revient de loin, tant il était à craindre que 2012 ressemble à 2007, ou 2002, en pire, où les deux présidents se sont fait élire sur le dos des quartiers, en particulier : l’année dernière, sous les coup de boutoir de la campagne sur l’identité nationale, une partie du gouvernement semblait fermement décidée à orienter le débat en braconnant sur des terres très droitières. La gauche, depuis, restée atone ou sur la défensive, brillait par son absence d’idées, se contentant de brandir le sempiternel carton rouge de la morale républicaine outrée. Une immaturité sur des sujets parmi les plus problématiques pour la société française qui ne pouvait que la placer dans une position où elle allait se faire déborder par les échappées opportunistes de ses (de plus en plus) nombreux candidats labellisés « diversité » (candidats ne brandissant hélas ! pour seul et unique programme que cette « diversité »). Dans ce contexte, on comprendra que la gauche préfère rester en retrait.
Ne plus se payer de mots
On appréciera néanmoins que les présents le 26 février à la Bellevilloise pour ce speed dating se soient pliés à l’exercice d’improvisation théâtrale dans des conditions qui rappelaient plus les campagnes populaires d’antan, rudes et agitées, que les ambiances feutrées auxquelles ils sont habitués, dans les salons cossus des médias et les meetings prévisibles, coachés par des armées de spin doctors chargés de veiller à ce qu’aucun imprévu ne vienne troubler le ronron de leur petite mécanique de communication électorale.
Mais ce forum ne devra pas être un aboutissement pour les associations, médias, ni même pour les candidats eux-mêmes ou leurs représentants : tout au plus un jalon. Tous ne seront pas élus Président, il nous reviendra donc de rappeler les engagements et de veiller à ce que les dits candidats feront, y compris dans l’opposition.
Les déçus du long et pénible film courant sur 25 ans, parsemé de promesses non tenues par la gauche depuis la Marche pour l’égalité (1983), pas plus que par la droite avec ses plans banlieue avortés (2009-2010) ; cette génération des banlieues déçues et orphelines de la politique et de la République ne se paiera plus de mots encore très longtemps…
Erwan Ruty, directeur de Ressources Urbaines, rédacteur en chef de Presse & Cité