Strasbourg : quand la PQR fait le pari des quartiers

Les quartiers ne sont pas toujours à l’origine des problèmes, ils peuvent parfois faire partie de la solution. C’est en tout cas l’approche du quotidien régional les Dernières Nouvelles d’Alsace qui a lancé depuis septembre « 7 hebdo » dans trois quartiers du sud strasbourgeois.

Christian Bach, journaliste aux DNA a fait partie, avec 2 salariés du service commercial du journal, d’un groupe chargé de réfléchir à un projet de développement local. « Nous avons opté pour un format hyper-local, à un niveau en-dessous de celui de la ville : celui des quartiers. C’est un hebdo payant qui s’appuie sur un projet éditorial argumenté. Il est payant [50 cent] car il crée un vrai service à valeur sociale ».

7 à NNM [Neudorf, Neuhof, Meinau] s’adresse à trois quartiers du sud de la capitale alsacienne : le Neudorf, 40 000 habitants au tissu commercial et associatif dense, mais aussi le Neuhoff et la Meinau, des quartiers « plus fragiles ». « Nous n’avons pas voulu couper la ville entre les quartiers dynamiques et ceux en difficulté. Nous comptons sur le quartier le plus fort des trois pour emmener les deux autres qui disposent de moins de ressources ».
La démarche peut être considérée comme risquée si on se fie à l’idée –vraie ou fausse- que l’on lit moins dans les quartiers populaires. « Il y a un risque c’est sûr admet Christian Bach. On est dans l’expérimentation. Pour la publicité il y a un raisonnement commercial qui est que la zone de chalandise à l’échelle des quartiers échapperait au journal dans une version destinée à toute l’agglomération. Nous avons conçu une offre avec des prix de la pub plus attractifs pour les commerçants de ces quartiers ».

C’est tout le projet éditorial qui a été adapté à l’échelle locale dans une logique de service au cœur de laquelle on trouve la création de lien social. Pour ce faire, « 7 à NNM » a opté pour un modèle original constitué d’une journaliste et d’un réseau de correspondants issus des quartiers concernés. « 2 ou 3 sont des journalistes en formation, les autres ont d’autres activités. Mais tous sont des personnes qui adhèrent au projet et connaissent bien ces quartiers ».

Dans un contexte où de nombreux médias ont la fâcheuse tendance de traiter les quartiers sous le prisme du sensationnalisme comment faire pour obtenir l’adhésion des habitants ? « Il n’y a pas de ligne éditoriale à proprement parler. Mais il y a une recommandation : faire de l’information constructive. Nous ne traitons pas les faits divers et les affaires de justice, c’est d’ailleurs plus le rôle d’un quotidien (…) On essaye d’appréhender des gens dans leur vie de quartier : les parents d’élèves les membres d’associations, les clients des commerces, les conseils de quartier et la vie politique locale… ».

S’agit-il pour autant d’éviter systématiquement tous les sujets sensibles ? Pas forcément : « Nous avons donné la parole aux gens suite à des dégradations dans le carré musulman dans un cimetière. Il y a également eu un dossier sur les scooters dans les cités. Nous avons cherché les témoignages des services de police en ce qui concerne, par exemple, le nombre d’accident. Mais on a aussi fait appel à un éducateur pour qu’il donne son analyse, notamment en termes de pouvoir sur le territoire. Mais là encore ce n’était pas traité de manière spectaculaire sous l’angle du fait divers ».

Au bout de moins de deux mois d’existence il est encore trop tôt pour juger de la viabilité du projet qui ne reçoit pas de subventions : « Nous visons au minimum l’équilibre dans un premier temps. Pour l’instant nous sommes dans nos prévisions, mais l’expérience est encore trop récente, nous attendons la fin décembre pour réfléchir à nouveau ». Une expérience à suivre de près : elle pourrait en effet fournir des pistes de modèle économique aux médias des quartiers.

Yannis Tsikalakis
 

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