Comédie « muslim » : I’m funny don’t panic

L’auteur-réalisateur Zangro et l’équipe d’ « A part ça tout va bien » sont en pleine période de réflexion. Malgré le succès impressionnant de leur web- série mettant en scène des français musulmans, les diffuseurs ne veulent pas les suivre. Pourtant, les sketchs à l’humour qui fait mouche, réalisés avec des comédiens de toute confession, n’ont rien de prosélyte.

«En France la question de l’islam est en train de se crisper de manière alarmante explique Zangro, franco-espagnol ayant passé son adolescence au Maroc. Notamment depuis le 11 septembre. Ca ne ressemble pas à la relation que j’ai avec les musulmans. J’ai contacté Hassan Zahi, qui en plus d’être un bon comédien, est le musulman le plus pratiquant parmi mes connaissances, en lui disant “ vous vous faites accabler grave ! ” ».
Inspirés par la série canadienne « la petite mosquée dans la prairie » les deux larrons bordelais décident en 2008 d’utiliser l’humour pour aller à l’encontre du discours médiatique selon lequel « Il faut avoir peur de l’islam ». Leur « comédie islamique », baptisée ainsi « par provocation » a suscité plus de 14 millions ( !) de visites sur son propre site et de nombreuses retombées presse.

Soutenu par l’ACSE et des collectivités locales des environs de Bordeaux, le projet va attirer l’attention de l’ambassade des Etats-Unis qui va financer un tournage à Chicago, mais aussi des partenaires privés à l’instar du site Salam news qui va financer une série de tournages au Maroc. Des soutiens qui ne vont pourtant pas permettre à la série de passer à l’étape supérieure niveau diffusion : « Les gens dans l’ensemble nous ont applaudit. Mais malgré le succès populaire les grands diffuseurs nous ont laissé sécher au soleil. Ils ne sont pas rassurés. Dès qu’ils entendent “comédie islamique” ils sont en panique. Il y a un décalage total entre le potentiel du projet et ceux qui acceptent de nous suivre. Tous les partenaires privés se sont défilés ». Devant ces désistements plusieurs comédiens vont même se désolidariser du projet de peur de se retrouver « catalogués ».

Pourtant l’écriture de la série se veut « au-dessus de la mêlée », s’attachant avant tout à « mettre les gens face à leurs préjugés » quelle que soit leur appartenance religieuse. Preuve en est, les critiques, marginales,  proviennent  à  la fois « de quelques musulmans intégristes, des cas sociaux de quartier qui se sont mis dans la religion comme on se met dans le business de shit » et de l’extrême droite, des « intégristes nationalistes franchouillards ».

Face au recul des partenaires l’équipe n’est pas prête à baisser les bras : «  On se dit si c’est comme ça, on va y aller deux fois. L’équipe est remontée. On veut s’inscrire dans la période présidentielle qui vient, pour représenter un contre pouvoir face au discours médiatique sur la question du vivre ensemble ».
Au de là de la focalisation sur l’islam, c’est la question de l’acceptation de l’autre qui est abordée par la série qui ne porte « pas sur le culte musulman, mais sur l’être humain ». « Derrière cette focalisation du débat sur l’Islam, il y a la question de la place des jeunes issus de la diversité et des jeunes des quartiers».
L’ « esprit quartier » est d’ailleurs très présent chez les jeunes musulmans mis en scène. Zangro  a par ailleurs travaillé sur une autre web- série, « En attendant demain », dont les héros « tiennent les murs » dans la banlieue de bordeaux. « Parfois nous avons eu des remarques nous disant que les musulmans ne sont pas que des mecs de quartier. Mais on va là où c’est drôle. On est basés en banlieue à Cenon [près de Bordeaux]. La quête religieuse est aussi une quête identitaire. Dans les quartiers souvent les jeunes se cherchent, c’est ce qui nous intéresse.(…)Puis le mec musulman pratiquant qui gagne 5-6000 euros ne fait peur à personne. Par contre quand il s’agit des pauvres et qu’en plus ils peuvent bruler des voitures, là c’est la panique. Ce qui fait peur nous on en rie».

Zangro constate un vrai décalage entre  France et les autres pays où la série rencontre le succès (Canada, Belgique). Ou encore avec la Grande Bretagne, où le succès du film 4 lions -sur des pieds nickelés terroristes musulmans- montre qu’une place est laissée à ceux qui veulent mettre « les pieds dans le plat ». « Je savais que ça serait dur en France mais pas à ce point. On ne répond même plus à certaines demandes de la presse. On est suspectés de prosélytisme alors qu’on essaye de rire de ce qui fait peur ».
En attendant que les diffuseurs se détendent, les sketches sont visibles sur le site d’ « A part ça tout va bien ».


 

Yannis Tsikalakis

 

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