
Synthèse Université P&C: atelier Réseaux sociaux

Pendant que certains étalent leur quotidien sur leur page facebook, d’autres s’en servent pour déclencher un phénomène médiatique international, à l’image de la bénévoles de La Journée Sans Immigrés (LJSI : 24 heures sans nous !). Nora Hamadi, journaliste engagée dans l’aventure, a apporté son témoignage lors de la dernière table ronde de l’Université de la communication de Presse & Cité. A ses côtés, Rachid Santaki et sa stratégie beaucoup moins immatérielle de street marketing pour parler de son livre. Complémentaires ? Une boule de neige 2.0 dans le sillon de certains succès comme le Bondy blog.
Une journée avec immigrés... sur Facebook
«Tout a démarré sur Facebook après la sortie de Brice Hortefeux sur les « Auvergnats », explique Nora Hamadi. Ça a démarré par le « statut Facebook » de Nadia Lamarkbi, journaliste, puis il y a eu un effet boule de neige, beaucoup de journalistes et de chercheurs se sont joints. Ça a permis d’actionner le levier de la mise sur agenda politique et médiatique ». Deux leviers prioritaires donc : les chercheurs pour crédibiliser le message, les journalistes pour le relayer. Avantage : quand des personnes qui portent l'action sont elles-mêmes journalistes de profession, elles bénéficient de réseaux de confrères, et du « vocabulaire », de l'art et de la manière d'intéresser ces derniers. Elément favorable enfin : reproduire une action qui a fait ses preuves, surtout outre-Atlantique ! La JSI s'inspire en effet de la mobilisation des Latinos aux Etats-Unis en 2006. en France, elle va connaître un buzz éclairavec plus 70 000 fans de la page Facebook en une poignée de semaines. La presse va s’emparer de l’initiative au point que Le Monde en fait sa Une le samedi précédent le 1er mars 2010. « On n’y a même pas cru nous-mêmes ! se rappelle Nora. Il y a eu une couverture par des médias russes, américains, du Maghreb, de Dubaï. » Seul bémol, « les réseaux sociaux ce n’est pas la société civile » : alors que l’initiative est reprise dans les grandes villes de France, le jour venu, dans la rue, les manifestants ne sont pas en rendez-vous. Du moins pas dans les proportions attendues compte tenu de la médiatisation de l’événement. L’année suivante, l’action est reconduite, mais le mouvement s’est quelque peu essoufflé. Manque de relais organisé dans le milieu associatif, peur atavique de la « récupération » syndicale ou politique (« le PS a essayé, précise Thomas Huet, chercheur et bénévole pour la JSI. En Italie ils se sont appuyés sur Parti démocrate, d’où une capacité de mobilisation importante »). Mais aussi manque de cible précise et notion problématique « d'immigré », alors que le mouvement est porté par de jeunes français diplômés, cadres. Autant d'éléments qui ont sans doute affaibli le fond de l'action, alors que sa communication a été un réel succès.
La rue, y'a qu'ça d'vrai !
Pour Rachid Santaki, rédacteur en chef du magazine 5styles, la présence sur le terrain n’est pas un problème. Ca a même été la solution pour la campagne de communication faisant la promotion de son dernier livre Les anges s’habillent en caillera. Son point de départ ? « La culture hip-hop, [qui vise à] imposer l’expression culturelle dans la ville, sur un territoire précis ». Sa campagne de street marketing, principalement à Saint-Denis, sa ville d’origine, a « utilisé la ville comme un support de communication » avec l’aide de véritables « troupes de chocs » formées par des « jeunes qui sont devenu ambassadeurs du bouquin ». Résultat ? Plus de 7000 ventes grâce à so concept de « Guerilla marketing », ce qui est plus qu’honorable pour un premier roman noir commercialisé sans le soutien d’une grosse maison d’édition. Mais qui dit street, ne veut pas dire improvisation totale. D’où la mise en place d'actions spécifiques s'appuyant sur les particularités du territoire : utilisation de « clean pochoirs » effaçables devant les gares, affichage sur les palissades de travaux, location d'un utilitaire customisé sillonnant la ville, dédicaces à la sortie du salon du livre, et même rétroprojections de rue ! Tout est bon dans la ville !
L’incontournable facteur humain
Rachid n’aurait certainement pas pu mettre en place une telle mobilisation sans le capital sympathie qu’il tire des actions sociales mises en place dans sa ville (aide au devoir, intergénérationnel). « Ce que veulent les gens, c’est du contact humain, affirme Rachid, ils veulent discuter, ils ne veulent pas qu’on les rencontre uniquement à l’approche d’échéances électorales, mais au quotidien (...) Les réseaux sociaux, ça amplifie mais ça manque de contact humain ». C’est ce que semble penser Guilhem Rols, militant et journaliste au Lyon Bondy Blog : « Ca doit venir du terrain ! Nous n’avons rencontré personne de la JSI à Lyon, on a juste vu ça sur le net, on n’y a donc pas participé ».
Sans mettre sur le plan les deux initiatives aux objectifs très différents, on peu gager que la première mobilisation qui arrivera à associer l’impact médiatique de la JSI et l’expertise de terrain des « troupes » de Rachid Santaki fera très très mal ! Notamment grâce à l'utilisation d'outils technologiques 2.0, simples d'usage, peu onéreux et aux effets multiplicateurs énormes.
Yannis Tsikalakis