Synthèse Université P&C : atelier lobbying

« Le lobbying est un terme qui n’est pas très utilisé pas les associations de quartier » affirme en ouverture Moïse Gomis, directeur de Radio HDR et animateur de la table ronde. « L’idée est d’aller sur les terrains où on n’est pas bons ». Une idée qui ne va se révéler que partiellement vraie, les acteurs des quartiers faisant parfois du lobbying « sans le savoir ». Mamadou Gaye (Nouvelle Cour) et Ali Guessoum (Agence Sans Blanc) ont partagé leur solide expérience du lobbying et de la communication d’influence.

Quelques ficelles théoriques de l’influence
Mamadou Gaye bénéficie d'une expérience pratique qui, cumulée à une clarté théorique, lui a permis de vulgariser quelques grands principes de la communication d’influence. Notamment autour de son concept du « CAP » : C comme « Contexte » (à identifier), en particulier « les personnes clefs » qui « ne sont pas forcément les plus hauts placés, mais peuvent avoir facilement accès aux hauts placés. Dans une administration, elles peuvent être secrétaire ou responsable du budget ». A comme « Anticipation », l’influence étant « un travail de longue haleine » où il faut parfois « prendre contact avec certaines personnes sans savoir si elles deviendront des personnes clefs, (…) ou prévoir les prochaines évolutions de notre sujet ». P, enfin, comme « Partage », un doux euphémisme pour désigner « les alliances de circonstance » opérées en se posant les questions : « Quelles sont nos ambitions ? Voulons-nous avoir raison seuls ou élargir notre spectre ? ». A l’appui de sa démonstration, des exemples vécus par l’intéressé comme la lutte d’influence pour inverser la charge de la preuve juridique dans les affaires de discrimination, ou encore la bataille pour obtenir des fréquences pour la radio Skyrock. Et Mamadou Gaye assure que l'essentiel est de se demander : « qu'a-t-on à apporter à la personne qui nous écoute, quelle qu'elle soit ? » Pour cela, mêmes les plus grandes agences de communication peuvent être intéressées par des actions menées par des petites associations dans les quartiers, ne serait-ce que dans leurs actions « non-profit ».

Ethique du lobbying
La lobbying étant par essence caché, unejournaliste à l’EPRA juge « qu'il n’est pas démocratique, pas transparent » et « peut aboutir à des décisions iniques ». «  Dans le cas de Skyrock, d’autres radios en ont peut-être pâti » ajoute-t-elle. Pour Ali Guessoum cette problématique est liée à « l’histoire de la République française qui met l’intérêt général en premier, devant les intérêts particulier ». Il rappelle cependant que des lois progressistes comme celle sur l’IVG ont été le fruit d’un lobbying important. Mamadou Gaye constate que ce type d’action n’est pas l’apanage « des industries du tabac et de l’alcool ». Pour lui le lobbying existe bel et bien dans « l’ADN  des acteurs associatifs, (…) des activistes qui recherchent les rencontres informelles avec les décideurs dans les couloirs des communes ». Il ajoute qu’avec la démocratisation d’Internet et Google, la connaissance du « contexte » et des « acteurs clef » est devenue plus accessible. Farid Mebarki, Président de Presse & Cité, a quant à lui nuancé l’argument des limites démocratiques du lobbying : il peut dans certains cas répondre à « un déficit démocratique dans les quartiers populaires » où les maires ne sont parfois élus par moins de 30% de la population ayant le droit de vote...

« Notre meilleure com', c'est nous-mêmes »
Ali Guessoum, avec le talent créatif qui le distingue, a commencé par concevoir des visuels, toujours accompagnés de slogans bien sentis, pour l’organisation altermondialiste Attac. Issu de la sphère culturelle, il a travaillé ensuite essentiellement avec des acteurs militants (associations, syndicats, partis politiques. ..) pour qui « le mot communication est un gros mot, puisqu'il implique de vendre quelque chose. Dès qu’il s’agit d’informer, sensibiliser, les vieux réflexes reviennent : ça ressemble a de la pub, constate-t-il. Pourtant, pour lui « les techniques de communication peuvent être mises au service de causes nobles. Elles permettent de sortir du traditionnel porte-voix avec un tract rouge et noir. ». L’intervention de Karim Mokhtari,  coordinateur régional de l’association Unis-Cité, montre l’ambivalence que le monde associatif peut entretenir vis-à-vis de la communication. Intéressé par les techniques de communication pour toucher les 16-25 ans, public cible de sa structure, il estime pour autant que « notre meilleur com’ c’est nous-mêmes, l’exemplarité de nos membres actifs. Trop de communication tue la communication. Il ne faut pas être esclave de la communication. Nous continuons d’avancer même si nous ne maîtrisons pas tous les outils de la communication ».

Et si la solution pour les acteurs des quartiers était de garder leurs valeurs, les motivations initiales de leur engagement, tout en empruntant de manière réfléchie des « recettes » de la stratégie d’influence ayant fait leurs preuves ?

Yannis Tsikalakis

 

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