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Médias étrangers : on ne les y reprendra plus

Le traitement des émeutes de 2005 par les médias étrangers n’a pas été du goût de tous les journalistes.

«C’était bâclé. » Simone Mastrangeli, journaliste au quotidien italien La Stampa, n’y va pas de main morte à l’évocation du traitement des émeutes de 2005 par certains de ses confrères français et étrangers. « Il n’était pas rare de voir débarquer une poignée de journalistes à Clichy-sous-Bois qui posaient quelques minuscules questions avant de repartir dans la foulée. Pourtant, ces émeutes en banlieue, c’était un événement très important, même si ce n’était pas celui du siècle. » 
Les articles incendiaires parus dans la presse étrangère (*) agacent même les autorités françaises. « C’est parti dans tous les sens, avoue Gary Nellor, collaborateur au quotidien anglais The Daily Mirror.
Tout le monde a voulu faire du sensationnel sans prêter attention à l’évolution des événements. » Symbole, pour certains, de travail « bâclé », la télévision américaine cristallise les critiques. « Le travail de plusieurs médias, notamment américains, manquait souvent d’objectivité et de fond, poursuit Simone Mastrangeli.
C’était comme l’occasion de se « payer la France », qui ne manque jamais une occasion de donner des leçons. Une chaîne comme Fox News parlait ainsi de révolution des banlieues sans aller au fond du débat. C’était perturbant de voir un tel décalage avec la réalité dans le traitement de l’information. » Aujourd’hui, un journaliste américain de CNN témoigne, anonymement : « Ça reste une expérience mitigée. La direction n’a pas forcément bien géré le dossier en faisant notamment appel à des journalistes sans aucune expérience sur le sujet. Le spectaculaire a, par moments, pris le pas sur l’informatif ». Basé à Paris, il pensait être appelé à couvrir l’événement. On lui a préféré «certains collègues alors en poste en Irak »…
Répondre à la demande du téléspectateur ? 
D’autres, comme Paul Georgiev, journaliste indépendant russe, font aujourd’hui leur mea culpa : « Quelques médias russes (dont RIA Novosti) se sont fait un peu prendre au jeu de la course au sensationnel. C’était une période relativement calme où l’actualité manquait de piquant au goût de quelques responsables éditoriaux. A l’image de son homologue américaine, la presse russe a donné l’impression que la France était sous le coup d’une vraie guerre civile alors que, en réalité, on était loin du compte. On m’a d’ailleurs reproché de ne pas en avoir fait « assez » dans mes différents sujets. Mais c’est propre à notre époque... » 
Même son de cloche du côté des journalistes belges. « Nos médias, dont La Dernière Heure, ont également beaucoup couvert les émeutes dans les banlieues. Avec le recul, je constate qu’on s’est trop laissé porter par les événements, reconnaît un journaliste belge à la RTBF (la radio et la télévision belges francophones). On a été influencés par le travail des journalistes qui ont un peu versé dans le pathos, comme nos confrères français du Parisien. Les images des télés US ont aussi vraiment conditionné le travail des médias étrangers… Bien sûr, il s’agit de répondre à la demande du téléspectateur mais c’est limite. On s’en souviendra. » On prend note. Et rendez-vous aux prochaines émeutes…

(*) « Echec de l’intégration à la française » (Herald Tribune), « Intifada à Paris » (Ha’Aretz), « Guerre civile en France » (The Post) ou « Réveille-toi Europe, tu as une guerre entre tes mains » (Chicago Sun-Times).

Robert Langer / Ressources Urbaines

 

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