La FEDCA, pour une prise de pouvoir cinématographique

La FEdération pour la Démocratisation du Cinéma et de l’Audiovisuel, tout juste créée, regroupe 6 structures dédiées aux arts du 7ème art, issues des quartiers, et qui essayent de se faire une place au soleil de plus en plus pâle (voire au soleil trompeur) de la création audiovisuelle française, si germanopratine.

1000 visages, 8 mm, Yes we can productions, Citéart et quelques autres nées depuis le début des années 2000, toutes ces structures jouent un rôle d’ascenseur pour le cinéma en direction de la jeunesse des quartiers. Mais les membres fondateurs ne sont pas pour autant trop plongés la tête dans les étoiles du star system. Ils sont même plutôt très réalistes. Jérôme Maldhé, de Citéart (à Vigneux sur Seine, Essonne), assure ainsi : « La diversité, c’est d’abord, afin que ce soit constructif et cohérent, en direction des plus jeunes; c’est créer des écoles, des outils (des formations) et les mettre à leur disposition. A quoi bon essayer de favoriser la diversité dans le cinéma français si nos jeunes n’ont pas accès aux mêmes armes que les autres ? Mais pour vraiment agir dans ce sens, j’ai l’impression qu’il faut d’abord se faire un nom pour être écouté. Cela ne sert à rien de faire de la com’ médiatique en espérant des résultats tout de suite.» Son acolyte Ladji Réal, de Saint-Quentin, mais qui travaille entre Viry-Châtillon, Trappes et la porte d’Orléans, enfonce le clou : « Les réunions, et le temps qu’on perd en discussions avec le CNC etc, on ne travaille pas… on a un public qui est en attente de voir des choses comme on les fait. C’est pas qu’il y a de la mauvaise volonté, mais les gens qui sont dans ces organismes ne connaissent pas ce public, ses attentes… Alors nous on produit. En plus, ce qu’on fait a un effet thérapeutique sur la société ! Il y une nouvelle dynamique artistique en France, qui n’est pas représentée par le CNC. »
Jérôme Maldhé sort le bazooka : « Il n’y a aucune ouverture dans ce milieu. Aujourd’hui, 65% des longs métrages sont en numérique. Mais pour les courts, 15 grands festivals n’acceptent toujours pas le numérique [Beaucoup moins cher, et donc plus utilisé par les petites structures de quartier notamment, NDLR] ! Trop de gens s’accrochent à leur place, à leurs habitudes. Le CNC devrait voire en nos projets un potentiel de talent, de nouveauté mais ils ne les regardent même pas. Considérant sûrement que ce n’est pas du cinéma. Mais sur quels critères ? On demande une vraie politique d’égalité, pour que la France devienne moins parisianiste. On finira par être entendu mais pour cela il faut continuer de faire nos films ».
Si Ladji s’est lancé, a réalisé plusieurs courts, et a décidé de créer ou de participer à plusieurs initiatives dans ce domaine, c’est que « en intégrant mon école de cinéma, je me suis dit qu’une telle école serait bénéfique près de chez moi. On ne voulait plus qu’on nous propose les mêmes rôles, les mêmes scénarios, les mêmes réalisations véhiculant toujours les mêmes clichés. Ce qui nous plaît ne plaît pas aux autres. Alors, on s’est dit que pour faire tout ce qu’on veut, il fallait être indépendant. » Quel que soit le prix à payer, notamment en matière de diversité des projets et des tâches à assumer : ateliers de formation, sensibilisation dans les lycées, mutualisation des moyens techniques, accords avec des boîtes de production (comme les co-productions avec La Lanterne), diffusion dans des festivals. Ils se reconnaissent dans ces jeunes qui « sortent de boîtes privées de formation, et n’étant pas fils de… ont besoin de structures comme nous : l’expérience et le réseau sont fondamentaux. Naturellement, tout cela produit du travail collectif, et finit par donner une dimension un peu politique : amorcer un changement social et culturel via le cinéma. Mandela disait : Faire pour nous mais sans nous, c’est faire contre nous. Mais chez les médias, ces prétentions sociales leur passent par-dessus la tête. On n’est pas à la recherche de postes. On ne pourra pas faire ce qu’on veut si on doit représenter la diversité à France Télévisions. On veut travailler d’égal à égal, et pour cela, pas de condescendance : il faut qu’on montre un réel travail, une force. » D’où, de la part de ces collectifs de réalisateurs, la floraison de réalisations (« La guerre des bonbons », « Ma poubelle géante », « Quand la bêtise brûle l’innocence »…) ou de projets (« Homosexualité et spiritualité », « Génération Yes we can » sur le community organizing en France, « Génération Jackson », « Français de souche » -réalisé avant le débat sur l’identité nationale- pour n’en citer que quelques uns…).
Cannes, tremble ! La relève se présente à l’horizon, elle a des projets plein les poches, des idées et des images plein la tête ; et elle a faim !

Erwan Ruty


 

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