En attendant le futur Obama, « la banlieue doit s’imposer dans les débats politiques »

Le 17-11-2011
Par xadmin

Opération réussie pour Ac le Feu. Le 09 novembre, l’appel du collectif pour l’inscription sur les listes électorales a été entendu par plus de 400 Clichois venus écouter Jamel Debouzze, La Fouine ou Grand Corps Malade, et Yvan le Bolloc’h. Lors de la rencontre, la même question qui perdure : quelle place pour la banlieue dans les débats politiques ?

En attendant les peoples, l’ambiance est presque à l’euphorie. Des jeunes affluent dans la salle par petits groupes et tentent d’investir les meilleures places possibles. D’autres font des allées et venues pour essayer d’approcher leurs stars préférés dans un couloir… La presse venue en masse se prépare à immortaliser ce grand rendez-vous pour la banlieue. Une fois le débat lancé, les artistes défilent sous des tonnerres d’applaudissements… Le collectif AC le Feu (Association collectif, Liberté, Egalité, Fraternité, Ensemble, Unis) l’avait annoncé.

Le mouvement initié aux présidentielles de 2007 doit se poursuivre

 Et c’est chose faite à l’espace 93 de Clichy-sous-Bois, là où tout a commencé. « Ce n’est que le début, nous allons nous déplacer dans d’autres villes, nous imposer dans les débats ! » annonce déjà Mohamed Mechmach, le président du collectif. Sur la scène, la frontière est mince entre messages positifs et concours de vannes : « Je me rappelle le jour où j’ai reçu ma carte d’électeur. J’étais content comme si je venais de recevoir ma carte d’identité française ! » lance Wahid Bouzidi du Jamel Comédy club. Jamed Debbouze, qui a dû partir le premier à cause d’un « emploi du temps très chargé » a été plus direct : « moi je voterai à gauche car voter à droite c’est mauvais pour ma santé »… Quant au centre, l’humoriste estime « qu’il ne sert à rien tout comme l’arbitre lors d'un match PSG-OM… » déclare-t-il face à un public hilare. Et de reprendre plus grave : « Je suis déjà venu en 2007 et je trouve que la situation s’est dégradée. On régresse ! Donc sachez-le, l’issue n’est que politique ». C’est ce message qui a été repris par tous. « L’urgence est d’aller s’inscrire avant le 31 décembre. Car vous n’imaginez pas la force que peut représenter un vote des banlieues ! Il est là le vrai pouvoir » a expliqué le consultant pour les questions de l’éducation Jean Claude Tchicaya. « Inscrivez-vous dans un premier temps, vous verrez ensuite pour qui voter » surenchérit Fabien alias Grand Corps Malade.

 Voter oui, mais pour qui ?

Justement, une fois le micro dans la salle, c’est la préoccupation principale. « Voter mais pour qui ? On est toujours les oubliés des élections » lâche une jeune maman sans attendre le micro. Un à un, des jeunes reprennent publiquement les maux qui habitent la banlieue depuis si longtemps… Des maux qui expliquent souvent les taux d’abstention record : 71,4% à Clichy-sous-Bois aux dernières élections régionales.  « Je déplore le communautarisme dans notre ville, pas ethnique ni religieux mais géographique. Pourquoi on ne se retrouve qu’entre Clichois ? Aller simplement au cinéma c’est toute une galère ! Nous sommes obligés de prendre un bus puis un RER et les transports coûtent cher… » explique cette lycéenne de 17 ans, « triste de ne pas pouvoir voter en 2012 ». Un jeune ingénieur de la cité du chêne pointu raconte que « l’ascenseur de l’immeuble est en panne depuis 3 ans ! Nous avons construit avec mes voisins une sorte de manivelle avec une corde pour les paquets d’eau etc… Comme au Moyen-Âge ». L’impression d’être « les oubliés de la République », ces jeunes le ressentent bel et bien. « Quand on vit à Clichy-sous-Bois, où le taux de chômage est un des plus importants de France, on peut avoir le sentiment que la République nous oublie », a déclaré Olivier Klein, le nouveau maire PS de la ville qui a succédé à l’ancienne « figure des quartiers populaires », Claude Dilain. Et d’ajouter : « nous avons un des taux de chômage les plus important du département et pourtant pas de Pôle Emploi chez nous… ».

Rapport de force

Pour Mohamed Mechmach, la solution est simple : le rapport de force. « L'élection présidentielle devra se faire avec la voix de la banlieue. Si on va voter on sera obligé de faire avec nous ». Mais cela ne suffit pas pour Samir. « Ca marchera bien dans les quartiers quand on s'entendra entre nous, qu'on ne fera qu'une seule voix, là on nous écoutera », a insisté ce membre du collectif MIB (Mouvement pour l’Immigration et la Banlieue).

AC le Feu, né après les émeutes de l'automne 2005, avait appelé à voter Ségolène Royal en 2007. A ce jour, il n’affiche aucune préférence.

Après le débat, les personnalités publiques ont accompagné une quinzaine de jeunes garçons et filles à la mairie située juste en face pour s’inscrire officiellement sur les listes électorales. « Il suffit d’avoir une pièce d’identité et un justificatif de domicile, avait prévenu le maire. Même s’il vous manque une pièce, on fera tout de même une pré-inscription ». Les agents de la mairie attendent de pied ferme les futurs électeurs derrière de grandes tables spécialement disposées. « J'ai l'espoir que notre vote apporte le changement ! » confie Siham, jeune brune à peine majeure. « Car jusqu'ici je n'ai vu aucun renouveau concernant les quartiers, comme ici à Clichy où beaucoup de choses sont encore à faire ». « J’irai voter, explique un autre jeune homme. Et qui sait peut-être que la politique va m’intéresser, je serai peut-être le futur Obama ! »

Mérième Alaoui

 

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