
Pacte générationnel : « Ils n’auront pas nos voix sans nos idées! »

Les partis de gauche sont en pleine campagne des primaires pour la désignation de leurs candidats à la présidentielle. Un collectif issu de la société civile, rassemblé autour d’un « pacte générationnel » saisit l’occasion pour faire peser les aspirations des jeunes générations sur les débats. Le 6 avril il recevait François Hollande et Aurélien Tricot, candidats aux primaires du PS, pour un « battle citoyen ».
Bruno Laforestrie, PDG de la « Hip Hop soul radio » Générations et président de l’association Hip Hop citoyens est un des principaux initiateurs du projet. Mais la place des cultures urbaines n’en est qu’un élément parmi d’autres : « Dans notre texte [intitulé l’appel du 21 avril] il y a un volet culturel mais pas seulement, nous avons des signataires de la DRH d’EDF en passant par des avocats, des gens avec des compétences très différentes qui font la force et la vision globale du projet. Il ne faut pas que nous soyons réducteurs dans notre analyse sinon on se tire une balle dans le pied. La place laissée au hip hop n’est qu’un des révélateurs du mal, de ce décalage générationnel. Moi de par mon expérience je renforce l’aspect culturel mais chacun apporte son expertise de terrain dans différents domaines (…) D’où le credo « vous n’aurez pas nos voix sans nos idées ». Et puis il ne faut pas être réducteur en ce qui concerne les cultures urbaines, aujourd’hui elles sont portées par des gens très différents, qui peuvent avoir de 15 à 40 ans».
Un des catalyseurs de la démarche de ce collectif est la montée constatée du FN, d’où la référence, dans l’appel, au 21 avril 2002. « Il y a une méconnaissance de qui est Marine le Pen, explique Bruno Laforestrie. Est-ce qu’il ne vaut mieux pas cette fois exprimer nos interrogations dès maintenant plutôt qu’après ?» Certains artistes diffusés sur Générations sont d’ailleurs prêts à se mobiliser contre la montée du FN : « Il y a 8 ans nous avions fait le morceau « Hip-hop citoyens », un nouveau morceau sur le même thème est en préparation, certains artistes ont déjà enregistré leurs parties ( Youssoupha, Dikson, Mokless, K-Reen…)» .
Bruno Laforestrie reconnait les similitudes du Pacte générationnel avec le Pacte écologique de Nicolas Hulot qui était d’ailleurs présent au premier battle citoyen : « Le pacte écologique a permis de faire sortir la question écologique du cénacle strict des Verts, d’imposer cette thématique aux partis, notre démarche est un peu similaire ».
Durant le battle citoyen une quinzaine d’ « ambassadeurs » du « peuple des primaires », comme aiment à se dénommer les membres du collectif, ont chacun posé une question aux deux candidats. Ces derniers ont été traités sur un pied d’égalité, François Hollande jouant le jeu : « Il n’y a pas de petit candidat aux primaires ».
La première question de la soirée, posée par Baki Youssoufou, Président de la Confédération étudiante, a « mis les pieds dans le plat » en abordant le thème central : « Est-ce que les enfants devront vivre chez leur grands parents ? ». Les deux candidats se sont mis d’accord pour constater une régression qui veut que la solidarité familiale se substitue à la solidarité nationale. De manière générale le « petit » et le « grand » candidat étaient plus du côté « pacte » que du côté « clash » de l’exercice (chacun devant choisir une des deux options après l’intervention de l’autre). A quelques différences près : Aurélien tricot, très sensible aux questions de diversité et se disant motivé dans sa candidature par la montée de l’extrême droite, est pour le retour du service national, civil ou militaire. Il a également émis l’idée d’un contrat à durée indéterminée spécifique pour les jeunes, proposé la nationalisation d’EDF-contrairement à Hollande- et affirmé souhaiter« dégonfler la bulle immobilière ». François Hollande et Aurélien Tricot ont par ailleurs fustigé la politique sécuritaire du gouvernement, notamment dans l’accueil des réfugiés tunisiens et critiqué les contrôles au faciès en souscrivant à l’idée d’un certificat donné par les policiers aux personnes contrôlées. Le premier a même ajouté « qu’on devrait aller chercher plus souvent ceux qui ne se font jamais contrôler ».
Dans l’ensemble, pas de sortie bouleversante ni d’effet d’annonce fracassant des deux candidats qui restent grosso modo dans une ligne PS classique. A l’exemple de la question des cultures émergentes –les cultures urbaines en particulier- pour lesquelles le bébé est refilé comme souvent aux collectivités territoriales. Il est vrai que les deux socialistes n’ont pas été beaucoup bousculés, à part à l’occasion quelques railleries comme celle rappelant qu’Arnaud Montebourg qui a atteint la cinquantaine est considéré comme un candidat « jeune » au PS. D’où une déception visible chez certains dans le public, comme Mounir qui à interpellé les organisateurs : « J’aime beaucoup votre démarche, elle me donne l’impression d’un véritable élan, mais quand va-t-on avoir un parti majoritaire qui représente la gauche et pas le réalisme politique ? Qui va appeler à la révolution fiscale dont parle Thomas Piketty ? Aujourd’hui plus on est riche, moins on paye d’impôts ! ». Il n’a eu que quelques réponses vagues et timorées en retour…
En clôture Bruno Laforestrie a promis d’essayer « de faire encore mieux » pour le prochain débat. Les prochains débatteurs pressentis sont Martine Aubry, Arnaud Montebourg ou encore Ségolène Royal, puis « d’autres candidats de l’alternance ». A suivre…
http://appeldu21avril.org
Yannis Tsikalakis