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AIDDA

Ca fait plus de trente ans que l’association AIDDA fige sur pellicule la mémoire visuelle de l’immigration et des quartiers populaires. L’Association Interculturelle de production et De Diffusion Audiovisuelle est officiellement née à la Goutte d’or en 1985, mais existe de fait depuis 1980. Elle vient, en 2010, d’expatrier ses locaux à Saint-Denis, après que la gentrification ait fait grimper les prix des loyers dans 18ème à Paris.
Hédi Chenchabi Président de l’AIDDA a fait partie de l’aventure dès le début. Il se souvient : « L’association a été lancée autour d’un projet photographique sur la goutte d’or, un quartier considéré comme mal famé, traité au téléobjectif par les photographes, avec très peu d’images de l’intérieur. Au lancement nous étions une quinzaine, un noyau de photographes, vidéastes, des gens qui travaillaient dans la communication sociale, des militants engagés dans la solidarité avec les migrants. Contrairement à Belleville, ce quartier n’avait pas été photographié par les photographes patrimoniaux comme Doisneau. Avant, les images des habitants du quartier étaient plutôt volées, les photographes n’allaient pas vers les gens. Au contraire certains d’entre nous habitaient dans le quartier. Il y avait une réelle immersion et une reconnaissance par les gens. On voulait montrer qu’il y avait certes des problèmes, un habitat très dégradé, des conflits, mais aussi de belles choses ».
Dès les débuts de son activité l’histoire et la mémoire deviennent les préoccupations premières de l’AIDDA: « Notre but était la restitution historique des quartiers populaires et des difficultés sociales. En plus l’histoire était chargée avec la guerre d’Algérie. En traitant le quartier de la Goutte d’or on visait le global à partir du local. C’était un quartier symbolique de l’immigration à partir du XIX siècle avec l’arrivée des immigrés qui venaient travailler surtout dans le secteur du chemin de fer. C’était un quartier ouvrier et commerçant. Les maghrébins qui sont arrivés après la première guerre n’étaient pas les premiers immigrants. Il ya eu toute une immigration européenne auparavant avec des belges, des suisses, des juifs polonais, des Italiens… »
La naissance de l’association s’inscrit dans le contexte de la « Marche des Beurs », un mouvement dont ses fondateurs sont proches: « Il y avait un lien avec la Marche pour l’Egalité, pour l’ensemble d’entre nous, essentiellement d’origine maghrébine, il était important de témoigner de ce mouvement, notamment dans les cités de banlieue. Puis l’idée était essentiellement de produire. La photographie sur l’immigration n’intéressait pas grand monde à l’époque. Il était important de passer du statut de consommateurs d’images à celui de producteurs et de diffuseurs ».
Une partie du groupe, celle davantage portée sur la vidéo et le documentaire va à la même époque former l’agence Im’media. Une autre, plus sensible à l’histoire va fonder l’association Génériques. En 1985 AIDDA publie un livre de photos sur la Goutte d’or et organise une exposition photographique remarquée sur l’immigration à Beaubourg. En 89 elle crée un répertoire de la photographie sociale et documentaire sur le traitement de l’immigration.
L’AIDDA, qui compte actuellement deux salariés, est essentiellement financée par des fonds publics. Son travail d’expert dans la mémoire photographique de l’immigration étant reconnu par les collectivités locales notamment. Malgré un travail pédagogique sur le respect des doits d’auteurs, l’association met régulièrement gratuitement à disposition ses photographies pour la presse associative : « Nous avons une attitude différente en fonction des interlocuteurs. Le soutien aux structures associatives fait partie de notre démarche. Si une section locale du MRAP, de la LDH ou la CIMADE nous demande des photos nous leur prêtons. Sinon si elle paraissent dans la presse où sont utilisées par des structures qui ont des moyens comme l’ACHAC nous facturons ».
A partir de 1992 , un service, le CDRII (Centre de Documentation et de Recherche Iconographique Interculturel) est créé pour gérer le fond photographique d’AIDDA, qui atteindrait « pratiquement 500 000 » ( !) clichés aujourd’hui.
Parmi les projets à venir, un grand chantier de numérisation de ces photos et la mise en réseau avec d’autres structures pour les diffuser : « On ne peut pas se développer avec une seule structure, il faut mutualiser. Même les agences photo sont en faillite aujourd’hui. A chaque fois pour commercialiser nos photos, il faut qu’un photographe se sacrifie pour s’occuper de l’administratif ».
YT