
Qu ’on t-ils fait de leurs 5 ans ? Malek Boutih

« Un tournant qui ferme une porte du ghetto: l’isolement a été entériné. »
« Les émeutes de 2005 ont marqué, non pas une rupture mais un tournant, c'est-à-dire que quelque chose de sous-jacent s'est officialisé. Hors des quartiers, la société s'est rendu compte de l'ampleur du problème, de son caractère général. Certains se sont sentis solidaires, sans savoir quoi faire, et d'autres ont simplement eu peur. Parce que ce qui était frappant, c'est l'absence d'interlocuteurs, on n'a pas senti venir des banlieues une parole structurée derrière cette violence.
Ces événements n'ont donc pas été vécus comme une révolte, mais plutôt comme une sorte de jacquerie. A l'intérieur des quartiers, je pense que c'est un tournant aussi. C'est une montée en puissance. Ces émeutes sont l'aboutissement d'un processus quasiment psychologique de 20 ans dans les banlieues où on est passé d'une délinquance classique à un cocktail de comportements délinquants, avec une sorte de discours politique en vernis qui est l'anti-société. Ce qui est frappant c'est que cet événement n'a pas fait naître une génération politique et engagée. On a l'impression que les émeutes ont au contraire accentué la fuite des cerveaux des quartiers. Tous les gens (et ils sont nombreux) qui sont en dynamique ne veulent que partir. Si je fais le bilan général pour le pays, c'est quand même un tournant qui ferme une porte du ghetto: l'isolement a été entériné.
Pour moi, militant politique, il y a, d'un certain point de vue, un bienfait dans ces émeutes. Elles permettent politiquement de faire taire toute parole qui voyait dans la violence une réponse légitime à la violence sociale, économique... puisque la démonstration a été faite que cela ne mène à rien, au contraire, cela fait reculer la cause. Je pense que ça ouvre un boulevard politique de conscience et c'est le paradoxe. Le bilan que je tire de l'absence d'interlocuteurs va pousser une nouvelle génération, encore en gestation. De nouveaux leadership culturels, politiques et sociaux vont émerger en réaction à la violence, dans l'idée d'être constructif. »