Femmes des quartiers : plus féministes que jamais ! - RU

Le 15-03-2010
Par xadmin

Le 8 mars 1910 c’est pour obtenir le droit de vote, que les femmes socialistes lançaient la Journée Internationale des Femmes. Aujourd’hui, malgré des acquis fondamentaux, leur situation est encore loin d’être idéale. Quand 80% des travailleurs précaires sont des femmes, dans les quartiers populaires, elles subissent une double peine.

La crise économique, l’isolement, les discriminations font des femmes des quartiers populaires, des cibles idéales. « Lors d’une crise, les premiers à payer le prix fort sont les jeunes de 16-25 ans, les femmes et les personnes issues de l’immigration. » Explique Saïd Bouamama, sociologue. La cumulation réduit les marges de manœuvres comme peau de chagrin. S’ajoute une pression masculine forte. « On ne peut plus porter de jupe dans les quartiers ! » s’exclame Nathalie Epron, écrivaine spécialiste des inégalités, « Les femmes sont de nouveau réduites à n’être que des corps qu’il faut cacher. Les garçons sont vus comme des prédateurs qu’on ne peut réfréner. » Explique-t-elle. L’homme des banlieues est il plus oppresseur qu’ailleurs ? « La Paupérisation des quartiers populaires entraine chez un certain nombre d’hommes un retour du « virilisme ». » Explique Saïd Bouamama. « Ces comportements dits « traditionnels » sont des fonctionnements de réponses liés à la précarité. Mais se sont des conséquences et non des causes. » continu-t-il.

Si la situation des femmes des quartiers est déplorable et déplorée, aucune réponse globale ne semble leur être apportée. « Il n’y a rien sur le terrain. » déclare Safia Lebdi, féministe, co-fondatrice du mouvement Ni Putes ni Soumises qu’elle quitte en 2007 pour créer les Insoumis-es. « On a beaucoup travaillé sur la libération de la parole mais il n’y a pas de grands projets de fond, de travail pragmatique pour les femmes des quartiers. » L’emploi, le logement, l’indépendance financière sont difficilement accessibles pour ces femmes. « L’émancipation ne dépend pas seulement du comportement des personnes, mais de ce qui est disponible dans la société. » Explique Saïd Bouamama. Malgré ça, les femmes des quartiers se mobilisent localement. De nombreuses associations crées par et pour les femmes se développent. « Dans les quartiers, nous générons une vraie dynamique.» Affirme Nora Benameur, membre de la commission des quartiers populaires du NPA, dans le Vaucluse. « Nous avons la place pour militer et nous portons sur le dos plusieurs types d’oppressions, masculines en générale, mais aussi liées à notre situation d’habitantes des quartiers populaires : ghettoïsation, enfermement et racisme. » Renchérit-elle. Leur vision diverge du féminisme traditionnel français. Il y a comme une opposition de fait. Les femmes des quartiers se sentent souvent stigmatisées par les féministes. « Le féminisme en France est bourgeois, déconnecté du monde. » affirme Safia Lebdi. « Les féministes ont une approche victimaire des femmes des quartiers. Ces dernières ne peuvent pas être leur égale. Elles doivent rester dans leur rôle de victime. » Les filles des quartiers ne s’approprient donc pas les courants de pensée proprement féministes. Les anciennes et nouvelles générations s’affrontent idéologiquement sur des questions sensibles, telles que la place des hommes ou encore le port du voile. « Une femme qui porte le voile ne peut pas porter un combat féministe. » déclare Nathalie Epron. « Le voile nous ramène à cette idée archaïque que la femme est l’objet d’une attraction si forte qu’il faut annihiler son intégrité corporelle. » Cela n’empêche pourtant pas de nombreuses femmes voilées de se revendiquer féministes et dans cette démarche, il y a une forme d’émancipation intellectuelle forte : « Je suis féministe et je porte le voile. » Affirme Ilham Moussaïd, candidate aux régionales sur la liste du NPA dans le Vaucluse. « Le féminisme est le combat pour le droit des femmes à avoir le libre arbitre et à disposer de son corps comme elle l’entend. Il n’y a pas une seule manière d’être femme, ni une seule manière d’être féministe. » Conclut-elle.

Le féminisme dans les quartiers semble passer par un combat global contre une précarité, un isolement et des discriminations qui touchent aussi bien les femmes que les hommes. « L’émancipation passe par une déconstruction sociale des mentalités postcoloniales. Notre objectif est le même que toute autre féministe mais, dans les quartiers, le mode de combat diverge. » Ajoute Nora Benameur. Les femmes des quartiers sont bien présentes dans le combat féministe, celui de la survie. Elles se mobilisent localement, pour faire face à leurs multiples difficultés. « Se sont des héroïnes ! » s’exclame Safia Lebdi. « Si elles étaient plus à l’aise financièrement, on verrait émerger de ces quartiers le vrai féminisme avec un grand F. »

Nadia Sweeny - Ressources Urbaines
 

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