LFM Radio

Mantes-la-Jolie (78)

LFM est un concept unique en région parisienne. Cette radio associative, qui émet depuis le Val-fourré à Mantes-la-Jolie, est dédiée aux femmes. Elle a vu le jour en 2009, sous l'impulsion d'une équipe multiculturelle et utilise la fréquence 95,5 MHz, jusque-là réservée à Radio droit de cité, qui a cessé d’émettre depuis juillet 2007. Avec des auditions en constante augmentation, le pari d'une radio féminine est réussi

Initialement la radio avait pris pour nom Elles FM. Accusée par HFA (Hachette Filipacchi Associés, groupe Lagardère), de contrefaçon et  après plusieurs tentatives de conciliation, elle avait modifié son nom, passant de Elles FM à L FM. Si aujourd’hui LFM occupe avantageusement les ondes, longtemps, pour les acteurs des médias des quartiers populaires, Mantes-la-Jolie a été synonyme de RDC (Radio Droit de cité). Cette initiative citoyenne qui a permis à plusieurs mantois d’intégrer les médias (Fahim Benchoul, Adile Farquane) a pourtant connu une fin tragique et imméritée au regard de ses actions. C’est en 2007 que cette radio indépendante a cessé d’émettre. Le bras de fer engagé avec Pierre Bédier, président UMP du Conseil Général des Yvelines, n’y est pas totalement étranger. Ce dernier s'est défendu dans plusieurs médias, de toute ingérence tout en dénonçant la partialité politique de la station (supposée être proche du parti socialiste). Il n’hésita pas ainsi à écrire sur son blog en juin 2007,  suite à une émission à laquelle il participa : « tout le monde sait, je le savais moi-même, que Radio Droit de Cité, par le biais de certains de ses membres, pratiquait le journalisme avec des règles sujettes à caution malgré tout j'avais choisi de jouer le jeu. On ne m'y reprendra plus ! ». Peu de temps après, le Conseil Général des Yvelines qu’il préside, décide de traîner la station en justice. Il lui reproche une « occupation illégale des locaux », au sein du collège André Chénier. Des locaux  pourtant mis à disposition depuis plus de 15ans.
Pendant les deux années qui suivent, les habitants du Mantois n’ont plus de radio. En octobre 2008, le CSA lance donc un appel d’offres pour cette fréquence 95,5 fm rendue libre. « Beaucoup de radios se sont positionnées comme NRJ, Skyrock mais c’est LFM qui a remporté la mise », explique Rajah, l’actuelle directrice.  Ce projet présenté comme une nouvelle radio féminine, citoyenne et locale  va séduire.  L’auteur de ce revirement est Lahbib Eddaoudi, un ancien de RDC. Ce chargé de communication chez Peugeot réunit autour de lui une équipe de connaissances, essentiellement originaires de la banlieue Ouest, éducateur de quartiers, stagiaires dans les collectivités, professionnels de la communication… pour élaborer un projet ambitieux. « Nous avons fait une sorte d’étude de marché, pour voir ce qui manque dans les quartiers, de quoi ils ont besoin », expliquait à l’époque de sa création Louis Dubois, l’ex-directeur d’Antenne. « Les femmes de banlieue sont un véritable sujet pas assez traité. Elles peuvent être présidentes d’associations, éducatrices, chefs d’entreprise ou des mères de famille épanouies... Elles ont un rôle dans les quartiers souvent méconnu des médias qui ont une vision très machiste et tronquée. Ils préfèrent montrer les voitures qui crament ou les burqas. Pour nous il s’agit de faire entendre un autre son de cloche, de valoriser la banlieue».


Un projet tourné vers les femmes


Présélectionné dès le printemps 2009 par le CSA, le projet "Elles FM" (depuis des déboires juridiques avec le magazine Elle, la radio s’est rebaptisée « L »), s’installe dans une surface de 150m2, face à la patinoire de Mantes, dans le quartier du Val-fourré, gracieusement mis à disposition par la mairie. Dès lors, la ruche s’active : préparation des émissions, recrutement, production... Le 15 septembre 2009, elle est enfin autorisée à émettre. « Notre projet a été sélectionné car il s’agit d’une radio de terrain avec une équipe nouvelle, compétente et originaire des quartiers qui veut renouveler l’image des quartiers » analysait Louis Dubois, l’ex-directeur d’antenne. L’équipe, d’une moyenne d’âge de 23-24 ans est paritaire et professionnelle -la plupart des journalistes ont déjà une expérience dans un média et souvent la carte de presse-. On retrouve ainsi autant de garçons que de filles, qui viennent tous de banlieue. La programmation musicale est variée : rap et raï côtoient la pop anglaise. Plusieurs émission concernent directement les femmes (Femmes, à vous la parole ; Mamans, vos questions), mais la citoyenneté étant également un des piliers de la radio, à l’image de l’émission Café débat, les hommes ne sont pas mis à l’écart. « Pendant des siècles les femmes ont été exclues, mais il ne s’agit pas de faire l’inverse en évitant les mecs », assurait le jeune directeur d’antenne. "Nous restons ouverts à la contradiction, il ne s’agit pas d’exclure les machos potentiels. Si la parole est coupée il y a frustration. » Et les résultats sont là, « 45 000 auditeurs par jour », avance Rajah, à qui Louis Dubois a passé le relais. La jeune femme de 27 ans d’origine marocaine connaît bien la radio pour avoir mené plusieurs partenariats. Cette ancienne chargée de recrutement a notamment  monté avec son ancien employeur, C3 consultants, une opération phare de la radio qui existe toujours : code emploi. « Il s’agit d’aider au reclassement professionnel des personnes en RSA. Ce sont des simulations d’entretiens avec des chefs d’entreprises qui sont filmés. On débriefe ensuite avec eux, on corrige l’attitude, les tics de langage. Il y a aussi des ateliers théâtre pour s’habituer  à parler en public et un atelier relooking pour la valorisation de l’image », explique-t-elle.


Une radio mais pas seulement


L’équipe a ainsi déjà accompagnés 150 jeunes. Avec un taux de réussite impressionnant : « Nous avons 70% de taux de reclassement. Et je ne compte pas les missions d’intérim, uniquement les CDI, les CDD de 6 mois au moins », précise Rajah fière de détailler les multiples activités annexes de la radio. « Nous ne sommes pas un robinet à musique mais une radio citoyenne », répète-t-elle à plusieurs reprises. En effet, depuis janvier 2010, une autre initiative a vu le jour, « des ateliers radios » avec les plus jeunes (collège, centre de loisirs). Le succès est une fois de plus au rendez-vous, les demandes affluent du Conseil Régional, Conseil Général, La Drac et des communes avoisinantes. Les "apprentis journalistes" s’initient à l’art des chroniques, des micros-trottoirs et mêmes des interviews politiques. Durant les élections régionales de 2010, ils mettront sur le grill les principales têtes de listes et de nombreux invités prestigieux se succèderont à l’antenne : Valérie Pécresse, Jean-Paul Huchon, Dominique de Villepin...
Concernant l’avenir, la jeune directrice se montre plutôt confiante. « On a ce qu’il faut pour 2012 mais je vais aller chercher des nouveaux partenaires financiers. On ne veut pas être dépendant des subventions et on a le pari de monter d’autres projets ! » De quoi, rassurer les 12 salariés actuels !