FUMIGÈNE - R.I.P

Hérouville-Saint-Clair (14)

Fumigène, c’est au départ l’histoire d’un garçon, Raphael Yem, dit « Raphal », qui a grandi à Hérouville Saint-Clair, dans la banlieue de Caen. Un « kiffeur » de danse, graph, son, bref de culture urbaine. Même s’il ne pratique pas. Du coup, il va s’intéresser à ceux qui en font. C’est là que Fumigène arrive.

Un des premiers médias made in banlieue, et consacré aux banlieues, engagé, qui lutte contre les discriminations, pour l’affirmation de la place des quartiers populaires dans la société française. « On l’a lancé en 1999, à l’arrache. C’était presque un projet de loisir. On était jeunes. On n’avait pas de tunes. On photocopiait le journal dans les MJC ».

Un fanzine branché sur les cultures urbaines mais pas seulement. « Notre démarche était politique dès le départ. On était tous militants associatifs parce que les luttes sociales dans les quartiers, c’était notre quotidien. On a toujours été partisan de la vie associative active. On l’a mise en avant dans notre publication. Pour nous, la culture, c’est une forme d’engagement. » Car c’est une ligne éditoriale plutôt altermondialiste qui met en évidence une nouvelle culture dominante en France, issue des quartiers. Le magazine a eu une bonne “street credibility” auprès des acteurs des quartiers. « J’ai l’impression d’avoir plus appris en faisant ce journal avec des potes et en ayant appris sur le tas qu’en étant passé par une école », revendique Raphaël Yem, initiateur et porteur du projet, développé autour d’ateliers d’écriture et d’une maison de quartier. “ C’est toujours des non journalistes qui écrivaient avec des animateurs de rue, des artistes, des galériens, des étudiants et des jeunes profs. Mais aujourd’hui, il y a des vrais journalistes, mais ce sont des bénévoles ». Avec les années, au gré des avancés des un et des autres dans la vie professionnelle, le magazine va évoluer, se professionnaliser. « On a commencé à faire des demandes de subventions pour s’équiper, augmenter le tirage. »

Qui passe d’une distribution locale à une diffusion régionale puis nationale, par le réseau NMPP. Même si la diffusion restera laborieuse, de même que la périodicité. De gratuit, il devient payant. « En 2000, on est arrivé dans les kiosques. Toujours en tant que média associatif. Une espèce de village gaulois au milieu des autres magazines. On a sorti 10 numéros avant de s’arrêter en 2008. » D’abord parce que les personnes qui composent le noyau dur de l’équipe vont chacune, bénéficiant des ouvertures que leur apporte l’expérience Fumigène, évoluer vers des carrières professionnelles. « On était tous bénévoles. On n’a jamais réussi à créer un modèle économique satisfaisant, du coup on travaillait tous à côté et on a eu de moins en moins de temps pour le média. Notre principale erreur est d’avoir mélangé le côté rédactionnel avec l’administratif. Il faut savoir déléguer à des personnes dont c’est le métier.»
Fumigène va continuer à exister un moment, sur le web et en 2010, sort une édition spéciale. « Un best of un peu collector pour marquer le coup. Pour tous nos abonnés (4000) qu’on a quand même laissés en plan. Ça a très bien marché. Ce qui nous a donné envie de poursuivre. Le projet existe toujours. » Dans l’esprit de ceux qui l’ont porté.
 

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