Depuis deux ans à Marseille, les règlements de compte liés principalement au trafic de drogue font de nombreuses victimes dans les quartiers nord. La semaine dernière (1er juin), une marche contre la violence était organisée par le Collectif du 1er Juin.
« Nous comptons déjà 26 morts dans des règlements de compte liés au trafic de drogue ! » s'indigne Marilaure Mahé, habitante des quartiers Nord. Cette dernière s'implique au sein du collectif du 1er juin qui a organisé une marche dans le centre ville de Marseille pour dire stop à toutes les violence. Pour Marilaure Mahé, ce n'est pas une première puisque cette militante avait déjà fait la Marche pour l'Egalité (1983). Trente ans après, la revoilà en train de marcher mais pour une cause pas si éloignée de celle de 1983.
La drogue sème la mort
« Sur 26 morts, des gens sont impliqués dans le banditisme bien sûr, mais parmi les victimes il y a aussi de très jeunes personnes qui se font recruter pour cinquante euros » explique Marilaure Mahé. Une situation qui devient proprement intolérable pour les habitants des Quartiers Nord : « Toutes les semaines, il y a une agression à la kalachnikov. Quand on ne voit pas son enfant rentrer le soir, on ne peut s'empêcher de se demander s'il ne lui est rien arrivé ». Un climat pesant qui a poussé les habitants à agir. Agir pour dénoncer les violences, mais aussi pour en souligner l’origine l’abandon de nos quartiers par les pouvoirs publics.
Mobilisation des habitants
Pendant deux mois, tous les mardis à midi une trentaine d'habitants se rencontraient au centre social Malpassé pour mettre en place cette Marche du 1er juin. « Dans ces réunions, les habitants étaient plus nombreux mais il y avait également des salariés des centres sociaux, ou autres travailleurs sociaux... » précise Marilaure Mahé. « Nous ne voulions pas faire une marche blanche de plus mais une marche revendicative dans le centre ville. Nous ne sommes pas Marseille bis ! Nous sommes la moitié de la ville ! » dit la militante à propos des quartiers nord.
Marcheurs de tout Marseille
Même si la presse locale a tenté de réduire cette marche du 1er juin à une manifestation de mamans en colère, ce rassemblement était beaucoup plus large : C'était le rassemblement des quartiers populaires. « Principalement les grands ensembles mais aussi les noyaux villageois, on a noté aussi l’implication de certains CIQ Comités d’intérêt de quartiers qui d’habitude s’intéressent surtout aux zones pavillonnaires » témoigne Marilaure Mahé.
Récupération politique ?
Pour le collectif du 1er juin, il était important d'éviter toute sorte de récupération politique. C'est pourquoi les habitants des quartiers nord étaient en tête de cortège tandis que les élus étaient derrière : « Il fallait savoir comment on gérait la présence des élus ? Nous avons exigé d'eux qu'ils ne portent pas d'écharpes, qu'ils n'aient aucun signe de distinction de partis. Ce qui n'empêche pas les médias de les reconnaître...et de leur tendre un micro » glisse la militante. Cette dernière précise également qu' « une délégation de huit personnes (représentatives en âge, lieu de résidence...) a déposé les propositions samedi en préfecture ».
23 propositions
L'objectif était donc bien de se faire entendre au cœur de la cité phocéenne et surtout avant l'été : « Nous voulions absolument poser nos 23 propositions en préfecture. Maintenant nous avons tout le mois de juin pour suivre l'avancée du dossier » prévient Marilaure Mahé. Cependant cette dernière sait bien qu'elles ne seront pas toutes prises en compte : « Il y a tellement de propositions... Mais une d'entre elles a été anticipée par la mairie : l'interdiction de vente des boissons alcoolisées dans les épiceries de nuit. Il faut aussi remettre des bus gratuits vers les plages, ouvrir les stades et les piscines pendant l’été. C'est le minimum ! ».
Pas qu'un problème de police
Les 23 propositions du collectif du 1er juin ne concernent pas uniquement la sécurité et la police, souvent décriée ces derniers temps : « Ce n'est pas qu'un problème de police, ce n'est pas si simple. Nous insistons beaucoup sur les causes sociales, le chômage, l'accès à la formation. Dans les quartiers à Marseille, les infrastructures de loisirs (stades, piscines) sont fermées l'été, un bus pour aller à la plage a été supprimé. Forcément les jeunes n'ont rien à faire, ils font des conneries. Nous n'avons pas envie de mettre en avant les problèmes de sécurité parce qu'ils sont complexes et demandent une expertise que les habitants n’ont pas à eux seuls. Mais nous voulons être force de proposition sur tout ce qui est emploi, urbanisme, question scolaire et pour pallier aux défaillances des services publics... ».
Problématique scolaire
« Nous sommes dans des quartiers où le décrochage scolaire est un gros problème. Dans les quartiers de Marseille, il existe de plus en plus de ségrégation spatiale en faveur de collèges de meilleure renommée ou privés » constate amèrement Marilaure Mahé. Un problème qui ne concerne pas que les élèves : « Dans les collèges difficiles, certains jeunes s'en sortent, qui sont solides psychologiquement mais ils subissent la discrimination à l’emploi même avec des diplômes. Le problème c'est que la détresse gagne également le corps enseignant. Les profs ne restent pas dans ces collèges ». Un problème de taille et un réel enjeu pour la jeunesse des quartiers nord de Marseille.
Incompréhension
Après la marche du 1er juin, Marilaure Mahé s'indignait des commentaires d'articles qui relataient l'événement : « On pouvait lire des commentaires sur les gens des quartiers comme « Avec tout ce qu'on fait pour vous, vous en réclamez encore ?! ». Ils ne comprennent pas la problématique des quartiers populaires ». Ils ne savent pas ou ne veulent pas voir que les équipements publics sont inégalement répartis sur le territoire au détriment des ZUS
1983-2013
« En 1983, nous marchions pour dire : nous faisons partie de la jeunesse de France. Samedi 1er juin, nous avons marché pour dire : nous sommes marseillais à part entière, nous voulons les mêmes droits. Nous exigeons l'égalité des traitements sur ces territoires. Et on ne veut plus amener nos enfants au cimetière ! » confie l'ex-marcheuse de 1983. Cette dernière reconnaît que la composition du groupe de marcheurs est différente : « La moyenne d'âge n'est pas la même. A l'époque nous étions plus jeunes, aujourd'hui la moyenne est plutôt vers 40 ans. Mais nous ne sommes plus naïfs, nous connaissons les rouages, on lâchera rien ! ». Les institutions marseillaises sont prévenues.
Le 31 mai dernier, Marilaure Mahé était présente à la rencontre "1983-2013, Marche des Beurs, Marche pour l'Egalité : le poids des médias". L'ex-marcheuse revient sur la Marche pour l'Egalité de 1983, le climat politique nauséabond, les meurtres racistes... Témoignage.