Banlieue meets USA épisode 2 : Black empowerment

Le 05-11-2012
Par Charly Célinain

Nous voici donc à Pittsburgh (Pennsylvanie), ville moyenne du nord-ouest des Etats-unis ressemble beaucoup plus à l'idée que l'on pourrait se faire des States, loin de l'ambiance propre et très ordonnée de certains quartiers centraux de Washington.

Ici on est tout de suite écrasé par d'imposants buildings, le bruit, beaucoup de monde dans les rues et... beaucoup de pauvres. Aujourd'hui, rendez-vous avec Tim Stevens et Celeste Taylor, les leaders du Black Political Empowerment Project (B-PEP). Le but prioritaire de cette organisation est de s'assurer que tous les afro-américains soient enregistrés pour voter et qu'ils votent à chaque élection. Dans cet état de tradition démocrate (concernant les présidentielles), les afro-américains ont-ils toujours confiance en Obama ? Vont-ils aller voter ? Un vrai challenge pour le B-PEP ! La population de Pittsburgh est presque essentiellement composée de Blancs (73%) et de Noirs (23%), les asiatiques et hispaniques se font des plus rares. A dix minutes du centre-ville, le contraste est saisissant, les buildings ont fait place à des maisons délabrées, certaines à moitié rasées, des monticules de briques tous les cinquantes mètre et une population quasi-exclusivement noire (94%).


Celeste Taylor, Black Political Empowerment... par Presse_et_Cite

Ce n'est pas une question d'être 2000 ou 4000, il faut vraiment croire en ce qu'on fait pour faire du bon boulot.

« Croire en ce qu'on fait »

Arrivée dans un des locaux du B-PEP. Ce lieu appelé « Freedom Unlimited » a pour voisin une antenne du NAACP (National Association for the Advancement of Colored People). Celeste Taylor nous accueille et nous prévient que Tim Stevens aura un peu de retard. « Nous avons un siège dans le centre-ville mais je tenais à vous recevoir ici, c'est important pour nous de rester connectés avec le « peuple » », nous explique Ms Taylor qui a grandi dans ce quartier situé sur les hauteurs de Pittsburgh. Mère de trois enfants, elle continue à y vivre et c'est de cette antenne qu'elle coordonne chaque jour le travail des volontaires. Le nombre de ces derniers varie selon la période de l'année et la motivation certainement, mais ce n'est pas un problème : « Ce n'est pas une question d'être 2000 ou 4000, il faut vraiment croire en ce qu'on fait pour faire du bon boulot, dit-elle avec conviction, on peut appeler jusqu'à 5000 personnes. » Que ce soit par des « sollicitations » téléphoniques, des distributions de prospectus à la sortie des églises ou autre, tous les moyens sont bons pour appeler à voter mais si parfois ils sont un peu plus énergiques : « Nous utilisons aussi le Knock n' drag [sonner et trainer, ndlr], c'est très efficace ! »

Les gens s'intéressent de moins en moins au vote, beaucoup d'entre eux n'ont plus confiance en la démocratie

Les moutons noirs

« C'est notre travail de protéger les droits des votants. Je sais que je peux aider ici à Allegheny [Allegheny County, sud ouest de la Pennsylvanie, ndlr] et non, à New York ou New Jersey, ils ont leurs militants qui font du bon boulot », lance-t-elle sur le sujet des complications des conditions de vote dûes à la tempête Sandy. Son intérêt, c'est son quartier, ses voisins qui se détournent de plus en plus de leur devoir de citoyen : « Les gens s'intéressent de moins en moins au vote, beaucoup d'entre eux n'ont plus confiance en la démocratie. » dit-elle l'air navré. « Vous savez, il y a toujours ce cliché de croire que tous les Noirs sont liés, ça doit être des restes de l'époque de Martin Luther King. Ce cliché de dire que les Noirs sont des moutons, qu'ils voteront toujours démocrate et qu'ils suivent Obama parce qu'il est Noir. C'est une vision beaucoup trop simpliste. » Barack Obama a-t-il toujours la confiance des afro-américains ? Celeste répond : « L'important est de savoir s'il a tenu ses promesses. Beaucoup de personnes ont été déçues, surtout en ce qui concerne le chômage et le travail. Les gens souffrent et la question est de savoir si le Président Obama peut les aider à moins souffrir ? » Cette fois-ci, Obama ne récoltera peut-être pas les 95% de votes afro-américains en 2008 sur l'ensemble du pays.

Je ne sais pas si en entrant dans le système, on peut vraiment le changer, et puis une campagne coûte si cher !

La politique ou l’empowerment

Malgré tout le B-PEP fait tout son possible pour amener les gens aux urnes, et ce, qu'ils votent républicain ou démocrate : « Je vous avoue que je serai très déçue si nous n'atteignons pas les 70% de participation dans la communauté. Les élections, et nos problèmes, sont largement plus importants que le sport ou les divertissements. » En réponse aux problèmes auxquels font face les habitants de Hill district, il semblerait que la ville ait l'intention de construire un complexe sportif... Et lorsqu'on demande à Celeste si elle a déjà pensé à briguer un poste à la ville, elle affiche un air perplexe : « Je ne ferai pas campagne pour un poste en politique parce que, d'une part je n'ai pas le temps, j'ai quatre enfants, et d'autre part je ne pense pas avoir les capacités pour. D'autres le feront mieux que moi, mais on m'a déjà proposé », elle enchaîne : « Je ne sais pas si en entrant dans le système, on peut vraiment le changer, et puis une campagne coûte si cher ! Les activistes savent que lorsqu'on vous voit comme une menace pour le pouvoir, on vous offre une voiture, un poste important, une maison... plus les médias ! Finalement on gâche ses capacités à mener l'empowerment et le système a gagné. » Peu de perspectives réjouissantes à l'entendre parler, néanmoins sa volonté de faire les choses reste intacte : « Après les élections, nous continuerons à travailler pour les droits des votants, des gens en difficultés. Et nous continuerons à lutter pour les logements et les emplois qui sont aussi nos préoccupations. »

 

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